Durant cette année 2014, les hommages à Rameau ont été nombreux. Lille n’a pas démérité. Pour le 250ème anniversaire de ce compositeur de génie, l’Opera de Lille a programmé l’un de ces chefs d’œuvre : Castor et Pollux dans la mise en scène poético-physique de Barrie KOSKY, directeur du Volksoper de Berlin. En plus des cycles de conférences sur le compositeur et son œuvre, de nombreux concerts notamment dans le cadre des concerts du Mercredi ont été donnés à l’Opera de Lille. Un autre événement m’a aussi enthousiasmé parce qu’il faisait échos à la modernité de ce grand compositeur français. Il s’agissait d’une exposition autour de Rameau intitulée « Musique en Lumières : Jean-Philippe Rameau, la sensibilité dans l’harmonie ». Pourquoi j’ai été emballé par cette exposition ? Parce qu’en plus de présenter des partitions originales du Maestro et des documents d’époque, dont la ville de Lille est richement dotée, elle offrait aux visiteurs une expérience novatrice grâce à la technologie sans contact (NFC).
En effet que ce soit à la Bibliothèque de Lille puis à l’Opera de Lille, les visiteurs pouvaient, après s’être connecté à un réseau wifi dédié, via leur téléphone scanner les étiquettes NFC (sans contact) ou photographier des codes-barres 2D (encore appelés QR-Code) placés sur les vitrines contenant les partitions.
Ce faisant, ils faisaient apparaître une page web mobile permettant l’écoute des extraits de la musique contenus dans ces pages. La petite vidéo suivante montre une des interactions que j’ai eues avec les partitions et comment il était possible de bénéficier d’une écoute interactive des partitions exposées.
Pour les visiteurs de l’exposition, tout était prévu. Si l’on ne disposait pas de smartphones NFC (par exemple un iPhone qui ne permet toujours pas de scanner les tags NFC), il était toujours possible de se replier sur des QR codes (petits dessins géométriques à photographier via une application dédiée). Si le visiteur ne possédait pas de téléphone ou possédait un téléphone trop ancien pour interagir avec des QR codes, il lui était possible d’emprunter l’une des tablettes mises à disposition des visiteurs pour leur parcours dans l’univers de Rameau.
Une affaire d’équipe lillois de l’Opera de Lille au CITC !
Mais comment est né un tel projet ? J’ai eu l’opportunité de rencontrer Solen CAU, chargée de l’information et des médias à l’Opera de Lille qui m’a raconté la genèse de ce projet alliant musique et digital! Elle m’a raconté qu’à l’origine, c’est la passion de l’avocat lillois Jacques-Joseph-Marie Decroix (1746-1826) pour la musique de Jean-Baptiste Rameau. Je m’explique, après la mort de du compositeur, ce fan lillois rassembla une importante collection de partitions, de livrets ou d’autres document imprimés ou manuscrits, de ses œuvres. Les héritiers de ce bienfaiteur/collectionneur firent don de cette collection (appelée « Fonds Decroix ») à la Bibliothèque nationale de France.
A Lille, notamment à la bibliothèque, ce fond est bien connu. Cela donna l’idée à Laure Delrue, directrice adjointe à la Bibliothèque municipale de Lille de mettre sur pied une exposition s’appuyant sur le patrimoine que la ville de Lille a pu constituer autour de l’œuvre de Rameau.
Partitions, livrets et autres documents étaient prêts. Mais l’on voulait aller plus loin en proposant une expérience interactive et multimédia. Pour l’occasion, les extraits des œuvres exposées ont été interprétés par le Concert d’Astrée, la célèbre phalange baroque d’Emmanuelle Haïm, qui est en résidence à l’Opera de Lille. L’opera de Lille s’est aussi associé à l’événement en hébergeant une partie de l’exposition dans sa magnifique salle de la Rotonde pendant la période de représentation de Castor et Pollux. Pour associer ces enregistrements aux partitions exposées, il fallait des compétences techniques. Un autre acteur local fut donc mobilisé. C’est là qu’intervient le Centre d’Innovation des Technologies sans Contact (CITC) via notamment le travail d’Ali Benfattoum. Le CITC a mis sur pied un mini-serveur hébergeant les extraits des œuvres de Rameau. C’est ce serveur qui était interrogé via une connexion WIFI dédiés quand les visiteurs flashaient avec leur téléphone les étiquettes sans contact (QR-Code et NFC).
A ma connaissance, l’utilisation du NFC au sein d’un opera (en l’occurrence à l’Opera de Lille) est rarissime France. Il faut mentionner que ce n’est pas la première fois qu’un parcours NFC est proposé dans les murs de l’opéra de ma bibliothèque de Lille et de l’Opera de Lille. Un autre musicien baroque, contemporain de Rameau, Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772), qui fut maître des violonistes aux « concerts de Lille », s’est vu rendre hommage via le sans contact. Dans le cadre du tricentenaire de sa naissance, un parcours musical et historique sur les traces du compositeur fut proposé en 2011.
Bravo à l’Opera de Lille. On espère que cela donnera des idées à d’autres maisons. Ce qu’on aimerait voir plus d’initiatives alliant digital et musique classique dans les operas et les théâtres !
“oopera de lille, bibliothèque, CITC, concert d’Astrée : tous pour Rameau” de Ramzi SAIDANI est sous les conditions de la licence Creative Commons Attribution 3.0 France