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Macbeth Verdi : Lille c'est bien et pas que pour le foot :)

Générale de Macbeth Verdi à l’opéra de Lille le mercredi 04 mai 2011

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Giuseppe Verdi

 

-Direction musicale, Roberto Rizzi Brignoli
-Mise en scène Richard Jones, reprise à Lille Geof Dolton
-Scénographie et costumes, Ultz
-Lumières, Wolfgang Göbbel, reprise à Lille Paul Hastie
-Chorégraphie, Linda Dobell, reprise à Lille Anjali Mehra
-Assistant à la mise en scène, Richard Gerard Jones
-Chef de chant, Nathalie Steinberg
-Répétiteur d’italien, Susanna Poddighe

 

Avec :
-Dimitris Tiliakos, Macbeth
-Susan Maclean, Lady Macbeth
-Dimitry Ivashchenko, Banco
-David Lomeli, Macduff
-Bruno Ribeiro, Malcolm
-Miriam Murphy, Julie Pasturaud, Suivantes de Lady Macbeth
-Patrick Schramm, Médecin, Serviteur, Héraut
-Vincent Vantyghem, Un Assassin
-Irène Candelier, Isabelle Rozier, Jérôme Savelon, Apparitions
-Diego Ruiz Marmolejo, Duncan
-Luke Owen, Fléance
-Claudine Gamand, Hécate
-Danseurs, Rohanna Eade, Khamlane Halsackda, Matthew Hawksworth, Laura Hyde, David John, Shelby Williams
-Orchestre national de Lille Jean-Claude Casadesus / région Nord-Pas-de-Calais
-Choeur de l’Opéra de Lille, Direction Yves Parmentier

Surprise surprise…Bien que j’oscille régulièrement entre Paris et Lille, la principale institution lyrique de la capitale des Flandres ne parvint jamais à m’attirer plus loin que le beau perron ouvrant sur la grand Place. La faute sans doute à un relent de snobisme culturel qui me faisait systématiquement préférer Paris pour les sorties culturelles et en particulier opératiques. L’opportunité d’assister à la générale de Macbeth, la dernière création de la saison lilloise 2010-2011 me permit donc définitivement de dépasser ce préjugé et réparer ce préjudice.

J’avais bien raison d’être excité tel un gamin qui s’attend à découvrir un trésor, un moment privilégié. Et (o)ui car ce fut une belle et heureuse surprise en deux temps que cette générale : tout d’abord la découverte d’un bien beau théâtre, tout de rouge et d’or, avec un magnifique foyer donnant sur la Grand place et le beffroi de la Bourse, et puis une très agréable soirée lyrique, riche d’émotions et de catharsis pour ce Macbeth.

Macbeth, premier opéra où Verdi puisera son inspiration dans l’oeuvre de Shakespeare. Une oeuvre bien connue qui touche à bien des travers et des côtés sombres de l’être humain :
L’Ecosse du XIème s. Macbeth, guerrier loyal venant de remporter une bataille acharnée, s’apprête à fêter sa victoire auprès de son roi. Mais en chemin, avec son ami Banco, il croise un groupe de sorcières auprès desquelles il se laissera prédire l’avenir : gloire et pouvoir s’ouvrent à lui. Conquis par l’ivresse de cet avenir prometteur s’appuyant pourtant sur de bien sibyllins oracles, Macbeth sombrera peu à peu dans la monstruosité la plus totale pour contrôler le cours du destin qui lui est annoncé. Tout comme sa femme avide de pouvoir n’hésitant pas à le pousser sur la voie de la plus terrible tyrannie, Macbeth, livré en proie à l’ambition démesuré, à la culpabilité puis à la folie meurtrière finira assassiné, perdu qu’il fut par sa confiance naïve dans les prédictions absconses des sorcières.

La production de l’Opera de Lille est une reprise avec une complètement nouvelle distribution du Macbeth de Glynbourne. Lors de la saison 2007 du prestigieux festival d’Outre-Manche, la mise en scène était signée Richard Jones. C’est son assistant, le Grand-Breton Geof Dolton, qui a repris et actualisé pour Lille la mise en scène.

Dès le départ, cette production se distingue par un procédé qui, s’il est assez classique dans la nouvelle et le cinéma, reste assez peu utilisé à l’opéra : celui du flash-back. Pendant l’ouverture on voit un Macbeth en fuite sur le point de tomber sous les coups de l’armée conduite par Macduff. On notera que pour accentuer l’effet de flash-back; le metteur en scène fait sortir les choeurs et personnages à reculons.

La mise en scène se veut réaliste avec des rappels constants à l’Ecosse. Kilts et tartans sont omniprésents : sur les hommes, les robes des femmes leur faisant échos, les intérieurs domestiques, les rideaux, les sièges. Les murailles du château de Macbeth, avec son empilement de blocs blancs et son ciment bleu, donne l’illusion d’ailleurs d’un énorme tartan aux couleurs de la Nation aux Chardons. On est in Scotland for sure :). Mais la scène pourrait se passer à notre époque : échafaudages, cartons (habiles formes que prendront les hallucinations de Macbeth à la scène 3 de l’acte II), sacs en plastique (avec lesquels Lady Macbeth s’étouffera), caravanes, gazinière qui servira à concocter les philtres divinatoires et de laquelle sortiront les esprits et autres formes surnaturelles…, tous ces éléments sont là pour affirmer un ancrage contemporain. La hache est préférée au poignard et à l’épée comme arme du crime et attributs des belligérants. C’est encore dans ce qui peut être le corridor d’un sous-sol (de parking) que Banco sera assassiné ou que Lady Macbeth fera ses crises de somnambulisme, mettant puis ôtant sans discontinuer des gants de latex blanc. Les sorcières encore sont incarnées par des groupes de bohémiennes entrant et sortant de caravanes qui font office de repaires.

Si la mise en scène cherche visiblement le réalisme, elle ne se veut pas moins décalée. Un petit air d’humour britannique flotte dans l’air lillois : boules à facettes énormes tournoient pour laisser apparaître des happy faces : métaphore de l’avenir niais de Macbeth au dessus des caravanes des sorcières ?. On retrouvera ces smileys sur des cartons, des seaux (spectre avec la tête recouvert d’un seau avec là encore un happy face). Les couronnes royales sont grotesques et kitchs, disproportionnées comme pour symboliser le poids inconfortable et exorbitant du pouvoir sur la tête des hommes. A noter aussi une forte présence de la couleur orange, couleur psychédélique, s’il en est : sacs plastiques et vêtements Orange seront portés par nombre de personnages. Signalons le rideau avec le 666 qui tombe avant le dernier acte et les haches ensanglantées qui font, disons-le, penser à certaines scènes de films des Monty-pithon. Décalé enfin, car par contraste, les formes surnaturelles dans ce cadre rationnel, apparaissent fatalement encore plus kitchs, d’autant que celles-ci (squelettes, hommes à têtes de loup et momies, esprits, etc…) sont amplifiées par le clonage des êtres surnaturels. Le procédé de démultiplication est en effet récurrent dans cette production où certains personnages surnaturels sont toujours présentés par groupe d’une dizaine.

Quelques moments très poétiques sont à noter :
-une habile suggestion de la scène de somnambulisme et de la bascule vers la folie de Lady Macbeth au début de l’acte I : Lady Macbeth (on regrettera de l’avoir affubler avec un robe moulante vu les formes assez généreuses de Susan Maclean) tient comme en équilibre dans le chambranle de la porte.
-l’apparition des haches le long de l’avant-scène pour signifier la décision prise de Macbeth de passer à l’acte
-l’apparition des boules à facettes au dessus de l’intérieur argenté des caravanes des sorcières (visuellement très réussi)

Une belle mise en scène d’opéra ne remplirait pas complément ses objectifs si les voix et l’orchestre ne sont pas au rendez-vous : globalement ils étaient bon, très bons.

La distribution se voulant hétérogène par la nationalité des chanteurs ne s’avérait pas moins homogène au niveau vocal. Toutes les voix, de bon voire très bon niveau, étaient suffisamment puissantes pour passer, sans problème aucun, un orchestre bien fourni et sonore quand la partition verdienne l’exigeait.

Le baryton grec Dimitris Tiliakos familier du rôle (il l’a déjà chanté à l’opéra de Paris en 2009 par exemple) campe un Macbeth émouvant. J’eus la chance d’être extrêmement bien placé pour apprécier ses regards perdus, hésitants, glaçants et sanguinaires. La voix de ce baryton est charnue et puissante mais capable aussi de faire montre d’une douceur toute romantique (‘Perfidi… Pieta rispetto amore’ de l’acte IV). Le duo de l’acte I (‘fatal mia donna’) de Dimitris Tiliakos avec Susan Maclean (Lady Macbeth), très beau, m’a donné beaucoup de frissons…

La mezzo-soprano américaine Susan Maclean dont c’est les débuts en France n’est pas avare de graves sonores et à l’aise dans l’aigu. Certes logiquement son suraigu peut quelquefois apparaître un peu crié (les contre-ré) mais cette mezzo capable d’effets dramatiques évidents dispose en plus d’une bonne colorature qui lui permet de briller dans la cabalette extrêmement virtuose de l’acte I (‘Vieni t’affretta … Or tutti sorgete’ et l’air du banquet ‘Si colmi il calice’ de la scène 3 de l’acte II). Elle m’apparut très à l’aise dans le jeu. Dommage que la metteur en scène, dans l’acte I, l’ai affublée d’une robe trop moulante lui conférant du coup un côté vulgaire plutôt que tentatrice.

Dimitry Ivashchenko (Banco) basse au timbre plein et rond avait une voix puissante, capable de remplir aisément la salle de l’opéra de Lille. Il était impressionnant dans son grand air de l’acte II (‘come dal ciel’) avec une très belle présence pour ne pas gâcher le tout!

Macduff était interprété par David Lomeli, un ténor mexicain (un autre ; ) remarqué par Placido Domingo, qui a gagné le concours Operalia dans deux catégories Zarzuela et Opera en 2006. Beau timbre pour ce jeune ténor! Dommage donc que Macduff soit un ‘petit rôle’ dans cet opéra de Verdi !! Le fameux air « Ah, la paterna mano » (scène I de l’acte IV) a été particulièrement applaudi. David Lomeli était très émouvant lorsqu’il voyait passer un à un tous ses proches, amis et famille, emportés par la folie meurtrière du couple royal.

Les choeurs de l’opéra de Lille n’ont pas démérité. Déjà , les sorcières en plus de bien jouer, chantaient admirablement (‘Tre volte miagola la gatta’ de l’acte III). De façon plus général, la qualité des choeurs étaient patente dans les scènes a cappella où justesse et netteté des voix (jamais une voix qui traîne) s’apprécient tout particulièrement. Par ailleurs, il est toujours difficile de chanter en faisant de grands déplacements scéniques et à fortiori en dansant! On voyait ça et là des choristes qui avaient besoin de suivre la chorégraphie assurée de certains de leurs collègues (plus studieux  🙂 mais globalement du grand travail.

L’Orchestre National de Lille a donné une nouvelle preuve de son talent sous la baguette avertie de Roberto Rizzi Brignoli qui n’est pas nouveau à Lille, puisque le public de la capitale des Flandres avait pu le découvrir dans une autre Verdi (Rigoletto) il y a trois ans. Jamais deux sans trois, espérons qu’il revienne vite !

Un vrai bonheur donc et une agréable découverte pour ce baptême opératique lillois  !

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