Je m’étais amusé il y a un an à comparer le nombre de fans facebook et de twitter de nos théâtres lyriques hexagonaux. En matiere d’opera en france et de réseaux sociaux, la domination parisienne était très marquée, que ce soit au Royaume des pouces levés (Facebook) que des petits oiseaux bleus (Twitter).
L’Opera de Paris, le Théâtre des Champs-Elysées et le Theâtre du Châtelet occupaient le podium ! Si l’on regardait l’origine des salles, on se rendait compte que 5 / 10 des plus grosses communautés Facebook se situent en région Ile-de-France (donc l’opéra de Massy : qui s’en sort très bien sur les réseaux sociaux).
Un an après, le tableau n’est plus tout à fait le même. Recrutement naturel via une politique sociale dynamique ou achats de fans, ça reste à déterminer ? Quoi qu’il en soit, la Province parvient désormais aussi a construire de fortes communautés sur les réseaux sociaux ! Si avec Lyon, Nice, Toulouse, Aix-en-Provence et Bordeaux, la Province compte 50 % des places dans le top 10, désormais deux operas de province (l’opéra de Lyon ainsi que l’opéra de Nice) contre un seul l’année dernière figurent dans le top 5 ! A noter la belle progression de l’opéra de Bordeaux qui entre dans le top 10 !
On remarque également que béneficier d’une large communauté facebook n’implique pas automatiquement une communauté twitter importante. L’Opera de Lyon l’illustre bien avec un nombre de followers twitter faible par rapport à sa communauté Facebook ou encore avec l’Opera de Nice qui n’a pas encore de compte Twitter officiel ! A l’opposé, l’opéra Comique toujours dans le top 10 des pages facebook dispose d’une très grosse communauté de followers twitter, bien plus importante que celle de l’Opera de Lyon par exemple qui est deuxième du classement en 2014 sur Facebook.
PS : je n’ai pas pris en compte l’Opera Royal de Versailles dans cette petite étude car il est englobé dans Palais de Versailles Spectacles (qui propose également des Grands spectacles en plein air et les fameuses Grandes Eaux). A noter toutefois sa base globale de plus de 8000 fans facebook.
For our English-speaking visitors, this post will be translated in English very soon, stay tuned !
“opera en France : une petite analyse sur les communautés Facebook & Twitter” by Ramzi SAIDANI is under terms and conditions of the licence Creative Commons Attribution 3.0 France
opera-digital.com : Bonjour Cécile OUDEYER ! Nous sommes très honorés que vous accordiez cette interview à opera-digital.com ! Avant de rentrer dans le vif du sujet, je rappelle à tous nos lecteurs que vous êtes la Directrice du développement et de la communication de l’Opéra National de Bordeaux. Avant de rejoindre le beau projet porté par Thierry Fouquet à la tête de l’Opéra depuis 1996, vous avez évolué dans le monde des musées du patrimoine et travaillé au musée du Louvre pendant 8 ans sur des questions de développement de public, de communication et de promotion, et 4 ans à Cap Sciences (centre culturel et scientifique). Vous êtes aux manettes de la communication et du développement de l’Opéra National de Bordeaux depuis un an maintenant. Pouvez-vous justement nous présenter cette grande scène nationale qu’est l’Opéra de Bordeaux ?
Cécile OUDEYER : L’Opéra National de Bordeaux est un établissement public composé de 3 entités artistiques, placées sous la responsabilité de Thierry Fouquet.
Tout d’abord il y a l’Orchestre National de Bordeaux Aquitaine (ONBA) dirigé par Paul Daniel et qui compte 106 artistes.
Viennent ensuite le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux (sous la direction de Charles Judes), ensemble consacré à la danse et composé de 40 personnes et le Chœur de l’Opéra de Bordeaux comprenant également une quarantaines d’artistes. C’est donc près de 200 artistes permanents qui travaillent à l’Opéra de Bordeaux.
A ces entités artistiques, il faut ajouter la direction de la Technique qui regroupe en plusieurs ateliers une centaine de techniciens : costumiers, accessoiristes, éclairagistes, etc…Ces ateliers constituent un véritable conservatoire des métiers et des arts de la scène qui permet à l’ONB à l’instar de l’opéra de Paris d’être une maison complètement intégrée, capable de produire l’intégralité d’un spectacle (des décors et aux costumes aux chœurs). L’Opéra National de Bordeaux dispose désormais de 2 salles : tout d’abord, il y a le Grand théâtre, magnifique théâtre à l’italienne.
Et puis, désormais le tout nouvel Auditorium qui permet à l’ONBA de se développer et de se produire désormais dans des répertoires qu’il ne pouvait pas aborder en jouant auparavant dans le Palais des sports de Bordeaux.
opera-digital.com : L’opéra de Bordeaux dispose du label ‘opéra national’ : que cela signifie-t-il ? Cécile OUDEYER : Nous sommes l’une des 5 maisons d’opéra françaises à bénéficier du label d’Opéra National. Ce qui signifie que l’on a un contrat quinquennal d’objectifs et de moyens. Nous devons respecter un cahier des charges précis, défini avec le Ministère de la Culture, la région Aquitaine et la ville de Bordeaux La démocratisation des musiques dites savantes (opéra, musique classique) auprès de nouveaux publics et des jeunes en particulier est un axe majeur. Nous avons également un rôle régional fort et devons répondre un enjeu de territoire en proposant des productions de qualités dans toute la région Aquitaine. Ce qui nous amène à entamer de fréquentes tournées dans les différents départements d’Aquitaine. Notre préoccupation est de trouver un équilibre financier (en augmentant notamment nos ressources propres) tout en permettant à un nouveau public d’accéder à ces musiques : des salles pleines oui mais aussi des salles avec un public diversifié. Nous développons ainsi également une politique audiovisuelle qui peut nourrir cet objectif d’accessibilité et de sensibilisation.
opera-digital.com : L’ONB propose-t-il des services digitaux ou communiquent-il activement sur les réseaux sociaux ? Cécile OUDEYER : Oui nous sommes présents sur de nombreux réseaux sociaux : Youtube, Facebook ou Twitter et plus récemment sur Google + et Flickr
Nous proposons également une application mobile uniquement sur iOS depuis 2012. Une nouvelle version sera d’ailleurs lancée en avril sur iOS mais aussi sur Android. Pour toucher les jeunes publics, c’est sur le mobile qu’il faut aller! Nous avons également un projet de refonte de notre site internet (www.operabordeaux.com).
opera-digital.com : Comment s’articule votre stratégie digitale, quels sont les moyens dont s’est doté l’ONB pour la mener à bien ? Cécile OUDEYER : Nous avons recruté fin de l’année dernière une responsable de communication digitale pour internaliser l’activité qui était auparavant en partie sous-traitée à notre agence de presse. La Direction du développement et de la communication compte 10 personnes, dont 3 pour le service de communication et de promotion. Beaucoup d’actions nouvelles ont été entamées avec une accélération en fin d’année 2013 (Flicker, Google+). Nous étions traditionnellement tournés vers la communication papier et l’édition de contenu et moins sur la promotion et la communication. Nous cherchons à nous ouvrir sur des nouveaux modes de communication notamment digitale et nous nous appuyons désormais sur les outils numériques pour communiquer et promouvoir notre programmation. Le digital nous permet clairement de pouvoir nous adresser aux plus jeunes.
Pour lancer la nouvelle saison 2014-2015, nous avons également misé sur la video.
Nous avons également effectué un travail sur la brochure de la saison 2014-2015. La brochure est le premier outil de communication d’un opéra. Nous avons cherché à y intégrer davantage de ponts vers les média sociaux et introduisant notamment des ‘# tags’ qui parlent aux jeunes, tout trouvant un juste milieu afin de ne pas déstabiliser notre fidèle public. De façon générale, un travail d’observation des bonnes pratiques est mené par notre équipe. Nous regardons ce qui se fait en France et à l’international (Londres, Vienne, Barcelone). On se tient en veille sur ce que peuvent explorer nos homologues notamment l’ENO (English National Opera) et son articulation forte avec les réseaux sociaux. Cela inspire, après il faut tout de même adapter ces bonnes pratiques. Nous avons des spécificités propres à Bordeaux notamment le fait d’avoir un public assez fidèle. En plus des supports digitaux et notamment mobiles que nous allons lancer, nous nous sommes par exemple appuyés sur des campagnes de marketing décalées à l’encontre des jeunes générations, comme pour le concert Wagner que nous avons donné à l’automne 2013.
opera-digital.com : Pouvez-vous en dire plus sur cette opération originale visant la génération Z ?
Cécile OUDEYER : Nous avons lancé une campagne de communication décalée visant à amener les jeunes âgés de 16 à 26 ans dans l’agglomération bordelaise dans nos salles. Nous avons visé 5000 jeunes détenteurs de téléphones portables à qui nous avons envoyé un SMS présentant un concert Wagner sous la forme d’un clip réalisé par une agence de communication! Ce clip renvoyait sur le facebook et sur le site de l’ONB avec un teaser qui pouvait se résumer à ce slogan : l’Opéra de Bordeaux vous réserve en exclusivité un concert à 2 €, moins qu’un Burger !Et c’est le chef d’orchestre Paul Daniel lui-même qui prenait part à la campagne !
Il faut du contenu exclusif, événementiel, un tarif accessible bien dimensionné à leur moyen, et on peut réussir à trouver une accroche qui attire chez le jeune public. Le succès fut considérable : nous avons dû refuser 300 personnes ! L’auditorium de 1440 places était plein à craquer! Notre objectif d’opérer un premier niveau de sensibilisation au sein d’une population qui ne pense pas forcément à la musique classique fut pleinement atteint. Le retour en termes d’image fut aussi excellent, nous avons réussi à rajeunir la représentation qu’on pouvait se faire de la communication qu’un opéra peut mener. Le buzz a joué à plein ! Certes une telle opération a un coût, mais l’impact est important. Après, nous avons lancé un pass « Jeunes Auditorium » à destination des 16-26 ans, calqué sur les formules de cinéma illimité. Ce pass coûte 10 € par mois et donne accès à tous les spectacles à l’auditorium ! Il est également une réussite !
Un autre exemple de nouvelles actions de communication est le jeu concours la Muse (#JeudelaMuse) que nous avons organisé autour de la Muse au mois de juin 2014. Les participants étaient invités à aimer la page et à détourner des photos pour gagner entre autes des places pour la Bohême ou la chance de voir leur cliché projeter sur la place de la comédie avant la retransmission outdoor du ballet Don Quichotte.
opera-digital.com : Jeu concours, vidéo décalée. On peut dire en particulier que cette opération Wagner était une opération très audacieuse !
Cécile OUDEYER : Oui audacieuse qui a logiquement essuyé quelques résistances. Les craintes notamment en interne portaient sur caractère dévalorisant d’un tarif à 2 € et le fait que les jeunes ne viendraient pas (début d’année universitaire). In fine, le succès a enthousiasmé tout le monde. En matière de nouveaux médias, au-delà des outils ou des interfaces, il y a un vrai travail interne à effectuer pour amener une implication de tous les collaborateurs. Les premiers ambassadeurs de l’Opéra National de Bordeaux sont les équipes internes, les artistes résidents ou les artistes invités. Ils constituent de véritables relais prescripteurs complémentaires et quelquefois plus puissants que la communication institutionnelle en tant que telle !
opera-digital.com : L’image est importante pour les jeunes cibles mais pas uniquement j’imagine. Pouvez-vous détailler l’axe audiovisuel de votre stratégie de communication ?
Cécile OUDEYER : Nous développons en effet des projets audiovisuels tels que les retransmissions de spectacles en plein air. Depuis quelques années, à chaque fin de saison, fin juin ou début juillet, un ballet est diffusé en direct sur la place de la Comédie. C’est devenu un évènement attendu des Bordelais. Les danseurs sortent d’ailleurs de la scène du Grand Theâtre pour saluer le public de ces concerts en plein air !
Ces projets audiovisuels permettre clairement de nourrir cette politique de diversification des publics. Pour beaucoup, c’est l’un des seuls contacts avec le monde du classique ou de l’opéra. Les gens qui assistent à ces concerts en plein air y vont décomplexés, en groupe en famille, sans la pression de se dire qu’il faut rentabiliser la sortie culturelle qu’on s’est payée. On a un public plus ouvert à la proposition artistique, il faut toutefois les accompagner, leur donner des clefs de compréhension. Nous avons célébré le 26 septembre 2013 l’ouverture de saison du tout nouvel auditorium ainsi que l’arrivée du nouveau directeur musical de l’ONBA avec un concert Mahler retransmis sur écran géant et en direct place de la Victoire, quartier populaire de Bordeaux. Cela a permis de communiquer sur ce qu’est une salle de spectacle dédiée à la musique symphonique et ce qu’est un orchestre symphonique.
Au-delà, de ce volet évènementiel, nous sommes aussi dans une phase de structuration de partenariats avec Mezzo (par exemple pour Pneuma, la prochaine création bordelaise de Carolyn Carlson), avec Radio Classique et France Musique, et nous sommes en discussion avec France Télévision. Pour la saison 14-15, nous sommes en train de bâtir un opération de retransmission dans les cinémas au niveau national. Le canal du cinéma est coûteux, ça sera donc ponctuel et couplé avec un travail plus fin avec les cinémas indépendants d’Aquitaine qui devraient procéder à des retransmissions en différé pour les scolaires (en lien avec les lycées d’Aquitaine). Dans ce cadre, des rencontres avec les artistes et les metteurs en scène permettront de renforcer la portée pédagogique et d’éducation artistique de ce projet.
opera-digital.com : Les derniers taux de fréquentation du Met, montre qu’il pourrait bien y avoir un effet de cannibalisation justement des diffusions de live au cinéma. De plus en plus de personnes arbitrent entre l’expérience nouvelle et de qualité offerte par les lives au cinéma, et des soirées dans les salles de spectacles où l’on peut être très mal placé si l’on a un budget contraint. N’y a-t-il pas un tel phénomène à Bordeaux ?
Cécile OUDEYER : A ce jour, nous avons un très bon taux de remplissage (>90 %). Bien entendu, il reste toujours plus difficile de remplir la salle pour les créations mais pour ce qui est dans du répertoire, les résultats sont excellents. Nous sommes le seul opéra de la région. Les autres opéras les plus proches sont Toulouse et Limoges. Et puis, nous avons la chance d’avoir un certain nombre de fidèles pour qui socio-culturellement il reste important de sortir au grand théâtre. A cette heure, nous ne ressentons pas vraiment d’effets de ces programmes de live du Met ou de l’Opera de Paris ni du home livestreaming du Wiener Staatsoper.
opera-digital.com : Vous avez visiblement bien entamé le virage des médias sociaux, envisagez-vous d’aller encore plus loin en ayant par exemple recours au crowdsourcing (co-création) ou au crowdfunding (financement participatif) dans la vie au quotidien de l’ONB ?
Cécile OUDEYER :C’est encore à explorer notamment avec notre association d’Amis de l’Opéra National de Bordeaux, Arpeggio, mais nous avons déjà testé le crowdfunding non pas sur des productions mais sur de l’équipement. Dans le nouvel auditorium il fallait équiper les musiciens de 110 chaises. Nous avons proposé aux personnes qui le désiraient de parrainer une chaise. Cela leur permettait de choisir d’y inscrire leur nom ou ce qu’ils voulaient sur la chaise. Les ¾ des chaises ont été ainsi parrainées de la sorte!
Madame OUDEYER, merci infiniment de nous avoir ouvert les portes de l’Opéra de Bordeaux ! Bonne suite de saison et pleine réussite pour vos nombreux projets à venir !
Article mis à jour mi-juillet avec les informations concernant la nouvelle saison 2014-2015
« Cécile OUDEYER : directrice du Développement et de la Communication de l’ONB » by Cécile OUDEYER & Ramzi SAIDANI is under terms and conditions of the licence Creative Commons Attribution 3.0 France