Austerlitz d’après l’oeuvre de Sebald – Opéra de Lille, 18 novembre 2011
…Il ne s’agit pas d’un opéra mais d’une pièce musicale, créée au dernier Festival d’Aix, du jeune compositeur français Jérôme Combier. Cette oeuvre se base comme son titre le laisse entendre sur le roman Austerlitz de Winfried Georg Maximilian Sebald.
La musique accompagne et des bruits ou ambiances enregistrés viennent illustrer les situations narrées, devancer, amplifier ou tempérer les sentiments des deux personnages masculins principaux, Jacques Austerlitz lui-même et le narrateur qui dans l’œuvre de Sébald rencontre pour la première fois ce singulier personnage dans la gare d’Anvers.
Jérôme Combier n’aborde pas tous les passages du Roman de Sebald. La sélection de passages choisis et qu’il a mis en musique permet toutefois, à qui n’a pas lu Austerlitz, de saisir toute la force de ce chef d’œuvre, de voir en 1h30 l’énigme entourant Austerlitz se résoudre pas à pas, mesure après mesure. La musique est complexe (l’auteur dira à la fin de la Première lilloise au cours d’un échange avec le public que nombre de passage sont nés de l’association des lettres des noms des personnages à des hauteurs de notes attribuées arbitrairement. Quoi qu’il en soit si je fus incapable de saisir le côté quasi mathématique de ce procédé, j’ai perçu assez souvent le côté obsessionnel et rythmé de certains passages qui renvoient clairement aux saccades sonores caractéristiques des trains filants sur les rails (rappelons que le héros éponyme du roman éprouve une fascination mystérieuse pour les gares et leur architecture…) ou encore les leitmotivs caractéristiques des personnages (Austerlitz, sa nourrice, sa mère…).
Les projections vidéo de Pierre Nouvel ainsi que les lumières de Bertrand Couderc avec ses dominantes de noir, gris et blanc épaulaient la mise en scène efficace de Jerôme combier et Pierre Nouvel.
Le comédien Johan Leysen est parvenu à nous faire vivre ce double voyage dans la mémoire et dans la Vieille Europe, marque de ce roman de Sebald. Doté d’une excellente diction en français avec un très léger accent flamand (il est néerlandophone), il s’est fort bien tiré de ce difficile effort de mémoire qu’exige cette œuvre. Il quittait quelquefois la scène ou des passages d’autres personnages enregistrés pouvaient laisser quelques instants de répit à sa mémoire. S’il a pu de temps à autres, se reprendre, si sa langue a pu fourcher, que cela fût involontaire ou pas, cela contribuait avec justesse à exprimer les états d’angoisse ou de tristesse du principal protagoniste, Jacques Austerlitz, que tantôt il décrivait (dans la peu du narrateur) ou qu’il jouait.
En un mot, pour qui veut s’y frotter, ce format d’œuvre offre une très bonne formule pour rentrer dans le monde souvent complexe et ésotérique de la musique contemporaine.