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école de musique connectée : projet né à Saint-Etienne - Solaure - Marie-Aline-BAYON

Première école de musique connectée : Marie-Aline BAYON nous expose la génèse et les ambitions de ce projet !

Bonjour Marie-Aline BAYON, merci de nous accorder cette entrevue !  Je crois que vous êtes le premier professeur de musique que j’interviewe sur opera-digital.  Mais c’est vrai que vous n’êtes pas un professeur de musique comme les autres ! Vous croyez au numérique comme vecteur d’apprentissage comme nous allons le découvrir et vous avez fondé à Saint-Etienne, la première école de musique connectée !

Opera-digital.com : avant de rentrer dans la découverte du projet passionnant de votre école de musique connectée, pouvez-vous nous rappeler votre parcours ?

Bonjour! Je suis guitariste et j’ai enseigné la guitare pendant de longues années dans les écoles associatives. J’ai rejoint la fonction publique territoriale en 2008. Désormais, je dirige l’école de musique associative de Solaure (quartier au sud de St-Etienne) depuis 2013. Cette école est en convention pédagogique avec le conservatoire de région Massenet de Saint-Etienne. Je suis également l’auteure d’un livre paru en mars 2017 chez l’Harmattan, RÉVOLUTION NUMÉRIQUE ET ENSEIGNEMENT SPÉCIALISÉ DE LA MUSIQUE : Quel impact sur les pratiques professionnelles?

Une professeure de musique pas comme les autres !

Une professeure de musique pas comme les autres !

Opera-digital.com : Merci pour cette petite introduction ! Alors, d’où vous est venu cet intérêt pour le numérique, Marie-Aline BAYON?

J’ai toujours été passionnée par les technologies. J’ai eu accès en étant enfant à des ordinateurs, des jeux, des appareils photos numériques. J’aimais bien traiter l’image et le son. Ces outils ont toujours fait partie de mon environnement. J’ai ouvert il y a quelques années, un blog sur l’enseignement de la guitare, l’idée du blog me plaisait car cela pouvait générer d’autres formes d’interaction.

Opera-digital.com : Et le projet d’écrire un livre sur le numérique ?

Il y a 2 ans, j’avais l’occasion de faire des travaux de recherche. On parlait déjà beaucoup du numérique, on en parlait beaucoup dans l’éducation nationale, on évoquait un plan numérique pour équiper les établissements, former les professeurs, mais nous dans notre secteur de l’enseignement artistique, ce n’était pas un sujet qu’on abordait beaucoup. Alors que je voyais se développer des sociétés sur Internet comme i-Musicschool ou Carpediese, des sociétés qui proposaient des cours en ligne à des prix réduits par rapport à des structures physiques, fleurir de plus en plus d’applications musicales sur mobile et tablette, alors que je percevais aussi un intérêt des développeurs pour la musique, en tous cas moi, je me suis posé la question de savoir ce qu’il en était, où est-ce que nous, on en était dans les écoles de musiques, dans les conservatoires ? Les technologies numériques ont intégré notre quotidien, elle intègre les pratiques dans l’enseignement secondaire, dans l’enseignement universitaire, alors pourquoi dans l’enseignement musical il semblait qu’on n’était pas encore utilisateur de technologies numériques. Je voulais comprendre pourquoi nous on ne les utilise pas vraiment et s’il y avait des choses qui se faisaient justement, en quoi cela consistait. Est-ce que c’était une forme de concurrence par rapport à l’enseignement traditionnel ? Comment nous acteurs de l’enseignement musical quelquefois un peu ancrés sur des méthodes à l’ancienne, un peu éloignée de nouveaux modèles plus collaboratifs se développant sur Internet, nous percevions ces nouvelles technologies ?

Ce projet de recherche c’était l’occasion de m’interroger, de comparer ces deux mondes : est-ce qu’une offre de video en ligne avec un cours en présentiel avec un vrai prof et un contact physique peuvent être comparés ? Comment les uns se percevaient-ils ? Comment les acteurs en école de musique percevaient ces nouvelles offres sur Internet et inversement quel est l’avis d’une société comme musicschool sur les offres physiques que nous connaissions jusqu’à présent ?

Opera-digital : Dans votre travail de recherche, avez-vous éprouvé des difficultés, par exemple à rencontrer certains acteurs?

Je n’ai pas interviewé des dizaines et des dizaines de start-ups, mais celles que j’ai approchées par exemple, Meludia, i-Musicschool ou Carpediese, ont plutôt joué le jeu. Il y a juste eu une entreprise où cela ne s’est pas fait. J’ai pu facilement mener des entretiens avec les start-ups. Justement c’était plus difficile du côté de certaines institutions. Le contact est en fait beaucoup plus simple quand ce sont des start-ups et j’ai pu m’entretenir directement avec les présidents de ces jeunes pousses, c’était bien plus simple à nouer que sur le volet institutionnel.

Opera-digital : Est-ce que vous aviez imaginé au moment où vous avez écrit que vous alliez créer par la suite une école de musique numérique ?

J’avoue que non ! Je ne pensais pas que cela allait me mener là où je suis aujourd’hui ! mais j’en suis très heureuse car il y a une vraie continuité ! A la base ce livre, c’était mon mémoire de master en développement de projets artistiques internationaux. C’était mon sujet et j’ai beaucoup travaillé dessus, à tel point que j’ai pas eu trop de mal à la sortie du master à le faire publier ! L’éditeur L’Harmathan n’a pas hésité car il y a tellement peu d’ouvrages sur le lien entre enseignement musical et le numérique !

Révolution numérique et enseignement spécialisé de la musique

Révolution numérique et enseignement spécialisé de la musique

J’avais organisé ma recherche en trois grands temps. La 1ere partie était consacrée à l’enseignement institutionnel et pourquoi c’est difficile d’utiliser le numérique dans ce milieu traditionnel (manque de formation, crainte de l’ubérisation, la culture professionnelle) ; j’ai ensuite dressé un petit horizon des quelques outils qui sont déployés comme la Musique Assistée par Ordinateur qui a quand même sa place dans certaines structures. La 2ème partie était plus orientée Internet et s’est concentrée sur l’étude des modèles économiques, le type d’offres, les limites de ces offres, les publics concernés. Enfin, la 3ème partie,  je l’ai positionnée en tant que directrice autour de la problématique suivante : si je veux utiliser ces outils numériques pour ma structure et que je veux les utiliser pour changer la façon de transmettre ? En effet, l’utilisation du numérique ne change pas forcément le mode de transmission qui peut rester descendant du professeur vers l’élève, alors que fondamentalement ces outils nous permettent de collaborer, de vraiment travailler avec une autre idée pédagogique en particulier sur la notion d’apprentissage mixte.

Opera-digital : Pouvez-vous expliquer ce qu’est ce concept qui vous a inspiré pour votre école de musique connectée?

L’apprentissage mixte (blended learning en anglais), c’est l’idée que pendant le parcours de formation, il y a bien sûr le temps passé en présentiel à l’école avec des enseignants des camarades mais que tout ce qui se passe en dehors de l’école est important. L’enseignant propose alors différents supports qui vont prolonger le cours ou annoncer la suite de ce qui va se passer.  Cela peut être de l’audio, de la vidéo, des documents, des consignes sur lesquels les élèves peuvent travailler ou collaborer. Et cela génère une dynamique de travail qui n’est plus la même, une dynamique qui permet de rendre l’élève un peu plus acteur et l’enseignant n’est plus le seul à détenir le savoir. Ce sont des tendances que l’on observe dans la formation universitaire et de plus en plus dans la formation professionnelle.

Apprentissage mixte au coeur de l'école de musique connectée

Apprentissage mixte au coeur de l’école de musique connectée

En matière d’enseignement musical, le seul exemple de blended learning que j’avais identifié, c’était une université aux Etats-Unis. En France, je n’en ai trouvé aucune expérience. Je ne suis dit que peut-être ces principes étaient plus fréquemment rencontrés dans les pays nordiques, en Suède ou en Finlande par exemple, mais je n’ai pas eu l’occasion de creuser. J’ai qualifié, imaginé alors un modèle d’école de musique connectée qui fonctionnerait sur ce principe d’apprentissage mixte en sortant du modèle d’interprète classique que l’on rencontre dans les écoles de musique en essayant de bâtir un profil différent qui soit un musicien plus large, moins spécialisé sur une pratique instrumentale mais plus sur une démarche de création.

Opera-digital : Pouvez-vous nous partager des exemples de ce que vous avez imaginé pour votre école de musique connectée?

L’idée c’est par exemple de sortir des problématiques de cycles et de travailler plutôt sur des niveaux relatifs (débutant, intermédiaire, avancé, confirmé) ; ou encore d’avoir une équipe pédagogique qui travaille ensemble en collectif, d’utiliser des supports dynamiques (filmer des consignes orales, donner des outils en ligne pour apprendre le solfège), permettant de démultiplier la façon dont on fait de la musique, permettant à l’élève de s’enregistrer et d’emporter avec lui l’enregistrement sonore ou vidéo de ce qu’il a fait pour continuer le travail chez lui. Avec une plateforme et un site, des consignes en ligne, on peut changer la donne et permettre à des familles d’avoir un regard sur ce que font leurs enfants !

Opera-digital : Et vous êtes allée encore plus loin en créant la première école de musique connectée en France !

Tout à fait, j’ai voulu donner vie au modèle imaginé dans mon livre avec les contraintes que nous rencontrons en tant que pédagogue. Cela a abouti à mon projet actuel d’école de musique connectée. Ce projet d’école s’articule en 3 axes.

école de musique connectée : projet né à Saint-Etienne - Solaure - Marie-Aline-BAYON

école de musique connectée : un projet d’enseignement innovant né à Saint-Etienne

D’abord un Axe pédagogique avec le souhait de mettre en place un parcours d’apprentissage de la musique en apprentissage mixte adapté à la réalité de notre structure stéphanoise. Là nous sommes dans une phase d’expérimentation, où nous mettons chaque semaine des vidéos sur le site internet d’expérimentation que l’on fait avec des élèves.

Deux projets ont été mis en place où on utilise un outil en ligne avec lequel on fait du partage du contenu et on essaie de rendre les élèves un petit peu plus acteur de leur pratique. Un premier groupe d’enfants (école primaire) était impliqué dans un projet de créer la musique d’un petit dessin animé de 3 mn. Dans ce groupe d’école primaire, certains enfants étaient en charge du générique de musique et de fin alors que d’autres enfants planchaient sur l’animation sonore des personnages (des petits poussins) alors que d’autres enfants travaillaient sur le fond sonore avec des bruitages. Le 2ème groupe était constitué d’adolescents qui devaient réarranger une chanson très connue dans des styles différents, en tirant profit des fonctionnalités logicielles qui permettent de faire des arrangements. L’idée de ces deux expérimentations est maintenant de tirer profit d’observations et d’enseignements qui permettront de construire un vrai cursus de formation l’année prochaine en sept 2018. Dans cet axe pédagogique, il nous a fallu réfléchir aux outils pour donner vie à l’apprentissage mixte. Beaucoup d’outils sur Internet existent mais ils ne sont pas adaptés à l’apprentissage de la musique. En général ces outils sont dépourvus de fonction d’enregistrement en direct audio ou video, on ne peut pas y partager des fichiers volumineux facilement, on ne peut pas facilement gérer des groupes d’élèves.

Pour l’instant on utilise Padlet, une sorte de mur collaboratif mais il y a des limites. Nous avons donc décidé de recruter un stagiaire et même un second pour développer cet outil concret qui nous manque ! Il s’appellera muziboard, cet outil servira à la fois à l’administration, aux enseignants et aux élèves ! Le tout étant un espace sécurisé ! Muziboard offre ainsi un espace administration pour gérer la base d’élèves, la communication, le planning de salles, la facturation. Ensuite, un espace enseignant pour pouvoir faire de l’apprentissage mixte, partage de contenu video ou audio, gestion des groupes. Enfin, un espace « élèves » avec un espace en ligne personnel où tout ce qui les concerne est dedans ! Nous espérons avoir un prototype testable dans le dernier trimestre 2018 !

Un de notre objectif est aussi de donner plus l’envie aux enfants de pratiquer la Formation Musicale, notamment à la maison de manière ludique grâce  à des nouveaux outils en ligne. Certaines applications sont payantes tels que Méludia, certaines applications gratuites qui permettent de développer l’oreille, le rythme.

Opera digital : On n’est jamais mieux servi que par soi-même ! Et quels sont les deux autres axes de ce projet captivant ?

Le 2ème axe est de créer et explorer de nouvelles portes d’entrée dans la pratique musicale. Pour moi, les tablettes et les smartphones sont devenus de nouveaux instruments de musique, on peut jouer d’eux, on pouvait déjà le faire avec un ordinateur. Et puis, on observe aussi que le profil des enfants qui fréquentent les écoles de musique et toujours un peu le même : enfants de musiciens, ou des enfants souvent issus de la classe moyenne supérieure. Beaucoup d’enfants n’y viennent pas parce l’image de l’école de musique ne leur donne pas envie à eux ou à leurs parents. D’autres ont aussi plus envie de s’inscrire dans des démarches courtes, dans l’utilisation d’outils, de rentrer dans la création assez rapidement sans forcément pratiquer d’un instrument ou connaitre la théorie de la musique. Pourtant avec la MAO, la production de musique en direct n’est pas réservée à un public de connaisseur. Un public d’enfants à partir de l’école primaire peut parfaitement utiliser un ordinateur. D’où la volonté de mettre en place le même type d’ateliers en utilisant des tablettes et des smartphones. Cela permet d’adresser des jeunes qui n’ont absolument aucune connaissance musicale. A l’aide d’applications, de petits studios virtuels, des logiciels de boucle, ils vont s’initier à la création musicale, on est une école plus ouverte. C’est cette porte d’entrée là que l’on veut offrir dans l’école de musique.

On peut accueillir tout type d’élève, des gens plutôt intéressés par la découverte, par la manipulation des sons et qui ne veulent pas forcément étudier le piano pendant 10 ans !  On veut offrir la possibilité de faire découvrir la musique, mais pas par l’accès aux œuvres directement mais plus par une sorte de pratique personnelle de la création. Pour cela il faut des moyens importants, nous avons donc lancer une campagne de crowdfunding sur Hello Asso. Nous cherchons via cette campagne à rassembler les fonds pour notre projet d’école de musique connectée.

Une campagne pour soutenir le projet école musique connectée

Une campagne pour soutenir le projet école musique connectée

 

Opera digital : le 3ème axe de votre projet, quel est-il ?

Je me suis dit que cela sera intéressant et logique que l’école de musique connectée soit un réseau d’écoles de musique et de conservatoire, que ce projet à Solaure soit le point de départ. Mon idée c’est de créer ce réseau, j’ai créé une association en préfiguration, je l’ai appelé Fédération des écoles de musique connectée.

L’idée c’est d’avoir une charte co-construite avec toutes les personnes qui ont envie d’en faire partie pour définir ce que cela peut être une école de musique connectée ou un conservatoire connecté. Après cela pourrait donner lieu à un label qui pourrait être décerné par le Ministère de la culture, que ce soit une nouvelle forme d’identification des établissements en France. Cela peut être aussi un moyen de se rapprocher du secteur de l’innovation, car comme je vous le disais tout à l’heure, il y a un vrai attrait des start-ups, des développeurs d’applications pour la musique, mais on ne discute pas avec eux, il n’y a pas de lien, il n’y a pas de passerelles qui sont créées. Dans le cadre d’un réseau, on pourrait avoir un dialogue et avancer ensemble sur les solutions pédagogiques de demain. Un tel réseau permettrait également de pouvoir partager au niveau national toutes les bonnes pratiques avec toutes les écoles de France et de Navarre, les contenus, les expérimentations, de faire du travail collaboratif à distance ! En s’alliant les uns les autres, on va réussir à avancer sur ces questions de la place du numérique dans l’enseignement artistique et en particulier musical ! il faut avancer parce que sinon on va se faire complétement dépasser par d’autres formes de transmission de la musique !

Opera digital : Marie-Aline merci beaucoup ! J’en profite une nouvelle fois pour rappeler le site de votre école musique connectée  et votre campagne de crowdfunding sur HelloAsso !

Licence Creative Commons « Première école de musique connectée : Marie-Aline BAYON nous expose la génèse et les ambitions de ce projet ! » de Marie-Aline BAYON et Ramzi Saïdani  est sous les termes & conditions de la licence Creative Commons Attribution !3.0 France .

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