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Sonya Yoncheva (Poppea) dans Agrippina d'Haendel

Merveilleuse Agrippina Handel à l'Opéra de Lille

span class= »postbody »>Dramma per musica en trois actes de Georg Friedrich Handel (1685-1759). Livret de Vincenzo Grimani. Créé en décembre 1709 à Venise.

Direction musicale : Emmanuelle Haïm
Mise en scène : Jean-Yves Ruf / Assistante : Anaïs de Courson
Scénographie : Laure Pichat
Costumes : Claudia Jenatsch
Lumières : Christian Dubet
Création maquillage : Cécile Kretschmar
avec
Alexandra Coku : Agrippina
Alastair Miles : Claudio
Sonya Yoncheva : Poppea
Tim Mead : Ottone
Renata Pokupic : Nerone
Riccardo Novaro : Pallante
Pascal Bertin : Narciso
Jean-Gabriel Saint-Martin : Lesbo
La bête : Cyril Casmèze
L’eunuque : Arnaud Perron
Le domestique : Pierre Hiessler
Orchestre Le Concert d’Astrée

Pas évident de mettre en scène un opéra baroque surtout Agrippina d’Handel à l’intrigue compliquée et qui comporte pas moins de 35 airs, ariosos différents bien souvent sous la forme da capo, le risque étant de tomber dans la surenchère voire à l’indigestion visuelle ou les effets faciles sont sans cesse mobiliser pour compenser le statisme des personnages. Mais quel intérêt pour cette œuvre où la musique est habitée d’un foisonnement inouï.

S’appuyant sur un casting excellent, Jean-Yves Ruf joue donc la carte de la simplicité pour mener notre attention avant tout sur le jeu des chanteurs, tous très bons comédiens. Le casting est en effet très efficace : tous les personnages étaient physiquement crédibles dans le rôle qu’ils devaient incarner et les couleurs de leur voix collaient bien à l’imaginaire qu’on se faisait des personnages.

Les deux sopranos de l’opéra sont extrêmement complémentaires : l’américaine Alexandra Coku est une grande femme magnifique, dans la force de l’âge, au timbre incisif, est idéal pour ce personnage manipulateur qu’est Agrippine. A l’opposé, la fraîcheur brune de la belle bulgare Sonia Yoncheva et son timbre capiteux offre une autre image plus romantique de la féminité.

Sonya Yoncheva  (Poppea) dans Agrippina d'Haendel

Alexandra Coku (Agrippina) et
Sonya Yoncheva (Poppea) dans Agrippina d’Haendel

Alastair Miles, grande basse au crâne dégarni nous donne un empereur Claude, un peu naïf (c’est un peu le dindon de la farce en réalité :). Nerone est campé par la petite (de taille) mezzo-soprano Renata Pokupic au look d’adolescent. Le contre-ténor britannique Tim Mead, au physique délicat et à la voix pure mais sonore a tout pour incarner à la perfection le romantique Ottone. Les deux courtisans, Pallante et Narciso (respectivement Riccardo Novaro et Pascal Bertin) sont crédibles et nous offre un vrai duo de Dupond-Dupont. N’oublions pas non plus, malgré une moindre présence sur scène pour ce personnage, l’espiègle basse Jean-Gabriel Saint-Martin, en fin Lesbo.

Un casting de rêve que le metteur en scène met en valeur grâce au dénuement des décors. A ce titre, le parti pris d’intégrer des sortes « d’avec moi » aux deux personnages féminins m’a paru très judicieux. Une sorte de bête (gros chien joué par Cyril Casmèze) et un domestique accompagnent quasi constamment l’ambitieuse Agrippine alors qu’un eunuque est sans arrêt au côté de la jeune et fraîche Poppea. Ces personnages satellites servent à la fois de prolongation du « Moi » de ces femmes et d’écrans humains où peut s’exprimer avec netteté la complexité de la psychologie de leur personnalité. Ainsi tapie ou grognante, la bête symbolise-t-elle les sentiments qui résonnent dans le for intérieur d’Agrippina : ou la rage qui cache une ambition entravée prête à ressurgir ou l’orgueil quasi jubilatoire de mener la danse. L’eunuque, lui, sert de miroir ou de réceptacle à la rage et la méchanceté latente de Poppea, quand lucide sur la tromperie dont elle a été victime, elle bascule du statut d’adolescente fragile à celui de femme devenant elle aussi manipulatrice.

Le choix est de porter l’intrigue à une époque moderne avec l’intérieur de ce qu’on devine une grande maison bourgeoise et une présence évidente de la sphère militaire (bottes ou gants noires et costumes beiges ou noirs rehaussés de motifs brodés, d’épaulettes, d’aiguillettes) pour les hommes (Ottone et Claudio) et quelquefois pour les femmes (scène du jardin de l’Acte III). Les courtisans eux portent le même 3 pièces avec chaussures Richelieu bicolore noires et blanches (vraiment Dupont et Dupond). Avec un petit détail bien vu par le metteur en scène : au premier acte, les couleurs de leur cravate et chemise sont antagonistes (quand l’un porte une cravate rouge et une chemise blanche, l’autre portera la chemise rouge et la cravate blanche) alors que l’opposition des couleurs « du dessous » s’effacent, symbolisant leur ralliement face à la fourberie d’Agrippine.

L’espace est simplement divisé par de grands rideaux de chaines formant tantôt des parallélépipèdes tantôt des volumes cylindriques où viendront se cacher ou apparaître ou faire les traditionnels fausses sorties des da capo. Les appartements de Poppea sont caractérisés par le lit que viendront cerner les bouquets et vases de ses nombreux admirateurs. Le proscenium est utilisé avec intelligence, les chanteurs n’hésitant pas à interagir avec le public et l’orchestre (distribution de l’or – ici des billets aux membres de l’orchestre ; discours adressés au peuple-ici le public). Le tableau du jardin est très réussi (lumières magnifiques) avec des arbres et le rideau de chaines dont le bruit imite le doux murmures des eaux qu’habitent les Crénées.

Alexandra Coku en Agrippine nous a donne une très belle prestation. Très bonne comédienne, elle sait jouer toutes les palettes émotives et psychologiques de ce personnage complexe (tantôt hiératique et hautaine, tantôt lascive ou castratrice). Manipulatrice, attendrissante en mère possessive, séductrice, tentatrice hypocrite assumée à l’intarissable rouerie. Elle a tenu ce rôle écrasant plus de 5 ou 7 arias dont le magnifique « Pensieri, voi mi tormentate » aux dissonnances et à la forme insolite pour l’époque (1709), superbement interprété. Elle a la vocalise facile, capable de prodiguer les nuances (pianos), on déplorera seulement quelques accents ci-et-là un peu trop métalliques dans le suraigu.

La très belle Sonya Yoncheva fut une admirable Poppea. Son timbre plus capiteux sied parfaitement à cette jeune fille qui va vite apprendre elle aussi à manipuler que son aîné. Quelle sûreté dans la voix ! Tout comme Agrippine elle tient le marathon vocal de son rôle avec une formidable aisance et une très bonne présence scénique. La candeur naïve fait place au calcul vindicatif et à la séduction pour effacer l’outrage qui lui est fait. Puissance et agilité sans faille dans ses airs de colères (« Per punir chi m’ha ingannata »). Au passage, le metteur en scène n’a d’ailleurs pas hésité avec bonheur à la faire jouer de ses formes avantageuses.

Tim Mead, jeune contre-ténor au physique de jeune premier était excellent en Ottone. Colorature, timbre angélique, il a tout pour devenir un des tout grands contre-ténors de la décennie. Epoustouflant de lyrisme et de tristesse dans ses airs tristes (« Voi che udite il mio lamento », « Tacero, tacero purche fedele») et en particulier dans l’arioso «Vaghe fonti, che mormorando»). On aurait cru vivre une scène de conte de fée, tellement lumière, musique et voix confinaient à l’excellence à ce moment de l’opéra. C’était sa première apparition à l’opéra de Lille. On se réjouit déjà de son autre Ottone dans la production du Couronnement de Poppée, à l’affiche en mars 2012 à l’Opéra de Lille.

La basse anglaise, Alastair Miles nous délivra un Claudio comique, comme on l’espérait, un peu sur le mode du président de la principauté de Groland, tantôt gauche, quelques fois fantoche et comme télécommandé par son serviteur Lesbos. Excellent dans le rôle comique de l’Empereur à la Groland, un peu à côté de la plaque. Vocalement, il était très bon. Sa voix est puissante et charnue, il y a eu juste à se plaindre (si l’on peut dire 🙂 de deux notes certes extrêmement graves qui, peu sonores, dépareillaient du reste de sa prestation dans son air « Cade il mondo soggiogato ».

La mezzo-soprano croate Renata Pokupic a interprété brillamment le rôle de Nerone. Colorature facile, grave sonore, ornements brillants, non avare de suraigus, elle exprimait parfaitement la nervosité et l’ambition du jeune Neron, annonciatrices de sa folie à venir.

Le contre-ténor Pascal Bertin campa un courtisan romantique à l’excès, craintif dans sa docilité et qui comme le héros de Proust fantasme à la seule vue d’une cheville blanche dénudée. Très beau timbre, voix moins sonore (en tout cas dans cette production) que celui de Tom Mead mais qui va justement bien au personnage de Narciso.

Le baryton Riccardo Novaro, fut un Pallante (l’autre courtisan) efficace. Vocalise aisée ( « La mia sorte fortunata »), ce qui pour une voix grave n’est pas toujours garantie. Il campait un courtisan plus fougueux, rendu docile qu’au prix d’un contact physique plus proche avec Agrippine.

N’oublions pas le petit rôle de Lesbus : Jean-Gabriel Saint-Martin a une voix puissance. On aurait aimé que son air annonçant le retour de Claude durât plus longtemps ! Quel beau timbre de basse et belle présence.

Emmanuelle Haim est dans la fosse, mais au combien sur scène avec ses chanteurs ! Elle avait une direction à la fois rassurante (indiquant les départs ; toujours à l’affût, agréable aussi dans sa gestuelle) et émulant les chanteurs, les accompagnant dans l’exploration des états psychologiques capricieux des différents de leur personnage. Tristesse absolue, ironie mordante ou hiératisme hautain, tout transparaît dans l’interprétation du Concert d’Astrée qui nous délivra ce soir encore une prestation de très haut niveau.

À compter le nombre de lever de rideaux et l’enthousiasme dont perlaient les conversations à la sortie du spectacle, il est évident que cette Agrippina d’Handel a plu au public lillois et belge de cette soirée (beaucoup de Néerlandais visiblement avaient fait le déplacement pour la première). On attend le Couronnement de Poppée où l’on retrouvera le Concert d’Astrée, Sonya Yoncheva et Tim Mead avec impatience !

Quelques clichés disponibles au lien suivant :
https://picasaweb.google.com/106335003176918915702/AgrippinaOperaDeLilleNovembre2011#

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Alcina de Haendel à l'Opera Garnier

Alcina dans la loge présidentielle

Alcina, un petit plaisir de mélomane…

Alcina de Haendel, opera magique que j’ai découvert il y a 5 ans maintenant à Garnier dans une distribution somptueuse : Renée Fleming, Susan Graham, Natalie Dessay, Laurent Naouri… le tout dirigé par le plus américain de nos chefs français (William Christie) . Rassurez-vous, cette distribution de rêve a été immortalisée dans un enregistrement Erato.

Bien que la distribution de la Saison 2007-2008 ne soit pas inintéressante (Emma Bell notamment fit une superbe Alcina), que pouvais-je espérer à le revoir une deuxième fois, tant le choc de la première fut étourdissant…

Le plaisir d’assister à une deuxième représentation d’Alcina (aller guten Dinge sind drei, héhéhé) fut donc renouvelé cette fois-ci par les conditions de suivi du spectale. Alors que les stalles si ingrates de Garnier (bruits des touristes , sièges inconfortables, angles morts ) m’avaient accueilli la première fois, cette-fois ci, une petite série d’heureuses coincidences me permit d’assister à la représentation dans l’endroit le plus en vue de l’opéra Garnier : dans la loge présidentielle…

Alcina de Haendel à l'Opera Garnier

Alcina de Haendel à l’Opera Garnier

Même si la qualité n’égalait pas celle de la distribution de la création à Garnier, quel bonheur de voir les artistes aussi proches, de sentir leur technique, d’observer jusqu’à leurs plis nasogéniens et la commissure de leurs lèvres en action!! Quel bonheur de pouvoir obserber les artistes à quelquefois deux mètres à peine de moi! Et chic, chic grâce à l’organisation sans faille de notre Barbara nationale, nous voilà à l’entracte, à déguster champagne et macarons Lenôtre, quelle décadence!…

QUELQUES CLICHES (cliquez sur le lien)

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