Si pour vous la différence entre surtitrage d’opera et sous-titrage d’opera n’est pas clair, je vous invite en préambule à lire un précédent billet que j’avais écrit, dans la version anglaise du blog, sur le système de surtitrage d’opera du Komisch Oper de Berlin. Si j’avais été séduit il y a 4 ans par l’expérience de surtitrage d’opera de l’Opera Comique de Berlin, je dois avouer que la récente initiative du Wiener StaatsOper est aussi prometteuse !
Le Wiener StaatsOper, institution lyrique de premier plan dont Philippe JORDAN sera le directeur musical en 2020, a en effet lancé un nouveau système de surtitrage d’opera. Il a profité de l’ouverture de sa nouvelle saison 2017-2018 pour proposer une nouvelle experience de surtitrage d’opera. La nouvelle saison qui a débuté officiellement le 4 septembre 2017 offre donc à un opéra de Giuseppe Verdi (Il Trovatore) le privilége de proposer ce nouveau système de surtitrage d’opéra!
Les habitués du Wiener Staatsoper savent que le système de surtitrage d’opera mis en place précédemment en 2001 par l’américain Figaro System, offrait l’anglais et l’allemand. Désormais, le nouveau système de surtitrage d’opéra offre le choix dans 6 langues. Désormais, en plus de l’anglais et de l’allemand, les spectacteurs ont le choix entre l’italien, le français, le russe et le japonais. Cocorico, nous sommes retenus dans les nouvelles langues proposées. En revanche, nos amis ispanisants devront attendre encore : l’espagnol n’est pas proposé comme le déplore certains médias espagnols.
On sait que de nouveaux acteurs tels que la société Theatre in Paris essaient de révolutionner l’expérience de surtitrage d’opera et plus généralement du spectacle vivant. Moi-même je nourris des attentes très forte en matière de réalité augmentée à l’Opera (voir par exemple mon article portant sur ce que pourraient apporter des lunettes connectées telles que la google glass à l’Opera). Le Wiener Staatsoper ne semble pas s’engager dans la voie de la réalité augmentée mais l’innovation n’en est pas moins au rendez-vous dans cette nouvelle expérience en salle.
S’il n’a pas adopté le pari trop osé de la réalité augmentée, le StaatSoper propose en effet des nouveaux services qui confirme son ancrage numérique initié avec son service de streaming staatsoperlive. En effet, le Staatsoper a profité de la mise à niveau de son système de surtitrage d’opera pour lui adosser un nouveau système d’information. Pour l’heure, ce système d’information accessible directement depuis la salle est uniquement disponible en langue anglaise et allemande. Utilisable sur les mêmes écrans que ceux utilisés par les surtitrages d’opera, ce système d’information est accessible avant les spectacles et pendant leurs entractes et permet aux spectateurs d’avoir accès à un synopsis de l’ouvrage lyrique représenté et au détail de la distribution. Il est également possible de souscrire à la newsletter de l’opera directement depuis l’écran de surtitrage. Le système d’information est peut-être un pas supplémentaire vers la dématérialisation des supports de communication in situ de l’Opera de Vienne. En effet au Wiener StaatsOper, les affiches papier ont déjà été remplacées en partie par des panneaux d’affichage électronique. L’Opera de Vienne a également lancé une application pour mobile et tablette qui offre aux utilisateurs d’acheter le programme d’une représentation sous format électronique.
Enfin, un système de réservation de boissons et snacks consommés pendant les entractes sera très prochainement mis en place. Le « click and collect » est de plus en plus fréquent chez les enseignes et ce mode de consommation se généralise dans les stades et les salles de concert de musique actuelles. Pourtant, en matière de salles de concert de musique classique et/ou lyrique, cela serait à ma connaissance une première ! Ces deux nouveaux services contribuent indéniablement à améliorer l’expérience utilisateur.
Le coût total de la nouvelle expérience de surtitrage d’opera et du nouveau système d’information avoisine les 2 millions d’euros. Les entreprises Lemon42 et Marconi ont mené le projet sous la houlette du directeur du digital Christopher WIDAEUR (voir ici sa dernière interview opera-digital.com). 2 021 nouveaux écrans ont été installés sur les sièges et ou les barrières délimintant les fameuses places debout du Wiener StaatsOper. Bravo !
“Wiener StaatsOper : surtitrage d’opera et service en salle depuis son siège…!” de Ramzi SAIDANI est sous les termes & conditions de la licence Creative Commons Attribution !3.0 France.
Anna Bolena : dix heures de queue pour une Stehplatz (place debout à 4 euros) à l’opera de Vienne ! Ca avait intérêt à être exceptionnel surtout que, n’ayant pas la télé, je n’ai pas pu le regarder sur Arte le mardi 05 avril. Et bien entendu ca le fut EXCEPTIONNEL comme souvent au Staatsoper…
Evelino Pido, s’imposant dans ce répertoire des trois premières décennies du XIXème siècle, dirigeait un orchestre du Staatsoper naturlich impeccable ! Tous les chanteurs étaient sublimes à l’exception d’Ildebrando d’Arcangelo (Enrico VIII), un peu en déçà du reste de la distribution dans le premier acte (graves pâteux, certaines difficultés à vocaliser). Visiblement un peu fatigué (on se souviendra qu’il avait annoncé annuler pour finalement assurer ces représentations), il sera beaucoup plus à l’aise dans le second acte.
Mais venons-en tout de suite au couple féminin exceptionnel de cette soirée : Elina Garanca et Anna Netrebko ! Je me souviendrai longtemps de l’entrée d’Elina Garanca (Giovanna Seymour). Son premier air était prodigieux : voix impeccable et un port (pas de voix:) d’une classe !! Une beauté solaire face à la ‘Séléné’ d’Anna Bolena (Anna Netrebko), astre d’une nuit qui va bientôt l’engloutir.
Et Anna Netrebko (Anna Bolena) ?! A certains moments j’avais l’impression de voir et d’entendre Maria Callas. Exceptionnelle! Voix puissante, nuancée, à l’aise dans la vocalise et capable d’effets dramatiques hors de portée de moult sopranos coloratures. Certes quelques petites impuretés dans le suraigü, quelques contre-ut n’étaient pas techniquement exceptionnels mais ils imposaient leur force expressive époustoufflante… Anna Netrebko est une cantactrice ! (j’ose le mot-valise) hors pair, une artiste exceptionnelle ! Quelle expressivité, quelles tensions dramatiques dans ses tentatives de justification auprès de cette belle pourriture d’Henri VIII. Ces airs de colères m’ont pétrifié ainsi que la scène de quasi-folie où elle embrasse le page Smeaton (la contralto Elisabeth Kulman) qui l’a bêtement perdue…Je retiens également le duo sublimissime des deux rivales (Giovanna et Anna) sans oublier le tableau émouvant entre Anna et sa petite fille.
Dès le début, une saine émulation entre toutes ses grandes voix. Grandiose ! Il était dur de tenir debout dans le parterre des Stehplätze!!! En particulier la complicité vocale d’Anna Netrebko avec Elina Garanca est évidente. Magnifiques toutes les deux, avec des voix hors-du-commun !! Il n’y a après tout pas à s’en plaindre : les voix sont belles et en plus elles sont belles, gracieuses, crédibles. Des divas au sens premier du terme, de ces femmes qui alimentent l’univers fantasmatique des opera-lovers masculins dont je suis!
Francesco Meli campait un Lord Percy admirable. C’est la première fois que je entendais en live ce tout jeune ténor italien ! Il vocalisait avec une puissance que je ne lui soupçonnais pas. C’est peut-être dû à la qualité acoustique de l’Opera de Vienne dont une usine opératique parisienne, sise non loin de la Bastille, devrait largement s’inspirer (on ne se lassera jamais de le répeter) … Son dernier aria était particulièrement touchant, même s’il a encore des progrès à accomplir dans son jeu d’acteur un peu trop statique à mon goût (mais il est jeune, il n’a même pas encore 32 ans !)
Malgré son début difficile (empathie du chanteur qui parle), ill(debrando?) sera bon au dernier acte. Certes à l’entame la voix restait un cran en deçà de ce qu’on lui connait mais quelle présence : au sein de toutes ces beautés féminines, il parvient à s’imposer en roi crédible et séducteur au possible ! Smeaton et le frère d’Anna Bolena complétaient ce tableau vocal de très grand pedigree!
Un petit mot sur la mise en scène également d’Eric Génovèse. Elle alliait costumes magnifiques et décors quasi intemporels constitués principalement de panneaux qui s’abaissent progressivement (j’ose y voir une métaphore de la lame du bourreau approchant), lesquels deviennent des murs mobiles qui se resserrrent inexorablement autour de la pauvre Anna pour finir par devenir le Donjon où elle, son frère, le page et son premier amour Percy finiront. A l’instar du dernier film de Justin Chadwick (Deux soeurs pour un roi) : la Reine est morte, vive la Reine !! Si le destin tragique d’Anna ne fait aucun doute dans la mise en scène de Génovèse, la touchante apparition de la fille de la malheureuse épouse d’Henry VIII (la future Elisabeth I), illumine d’un rayon de lumière, porteur de vie et d’éternité, cette figure historique féminine hors du commun que fut Anna Bolena. Un tableau final particulièrement réussi donc !
On ne comptera donc pas les levers de rideaux en cette soirée du 11 avril 2011. Le public viennois était hystérique. Ca aussi ça fait partie de la magie de cette représentation. Avec Roberto Alagna et Angela Gheorghiu présents dans l’assemblée et disons le parmi les plus bruyants des spectateurs (il sait siffler Roberto), une petite touche glamour et « people » pour couronner l’une des plus belles, sinon la plus belle soirée d’opéra que j’ai eu au cours de cette année 2011 !!
« Wean » Ich liebe dich !!!