Si pour vous la différence entre surtitrage d’opera et sous-titrage d’opera n’est pas clair, je vous invite en préambule à lire un précédent billet que j’avais écrit, dans la version anglaise du blog, sur le système de surtitrage d’opera du Komisch Oper de Berlin. Si j’avais été séduit il y a 4 ans par l’expérience de surtitrage d’opera de l’Opera Comique de Berlin, je dois avouer que la récente initiative du Wiener StaatsOper est aussi prometteuse !
Le Wiener StaatsOper, institution lyrique de premier plan dont Philippe JORDAN sera le directeur musical en 2020, a en effet lancé un nouveau système de surtitrage d’opera. Il a profité de l’ouverture de sa nouvelle saison 2017-2018 pour proposer une nouvelle experience de surtitrage d’opera. La nouvelle saison qui a débuté officiellement le 4 septembre 2017 offre donc à un opéra de Giuseppe Verdi (Il Trovatore) le privilége de proposer ce nouveau système de surtitrage d’opéra!
Les habitués du Wiener Staatsoper savent que le système de surtitrage d’opera mis en place précédemment en 2001 par l’américain Figaro System, offrait l’anglais et l’allemand. Désormais, le nouveau système de surtitrage d’opéra offre le choix dans 6 langues. Désormais, en plus de l’anglais et de l’allemand, les spectacteurs ont le choix entre l’italien, le français, le russe et le japonais. Cocorico, nous sommes retenus dans les nouvelles langues proposées. En revanche, nos amis ispanisants devront attendre encore : l’espagnol n’est pas proposé comme le déplore certains médias espagnols.
On sait que de nouveaux acteurs tels que la société Theatre in Paris essaient de révolutionner l’expérience de surtitrage d’opera et plus généralement du spectacle vivant. Moi-même je nourris des attentes très forte en matière de réalité augmentée à l’Opera (voir par exemple mon article portant sur ce que pourraient apporter des lunettes connectées telles que la google glass à l’Opera). Le Wiener Staatsoper ne semble pas s’engager dans la voie de la réalité augmentée mais l’innovation n’en est pas moins au rendez-vous dans cette nouvelle expérience en salle.
S’il n’a pas adopté le pari trop osé de la réalité augmentée, le StaatSoper propose en effet des nouveaux services qui confirme son ancrage numérique initié avec son service de streaming staatsoperlive. En effet, le Staatsoper a profité de la mise à niveau de son système de surtitrage d’opera pour lui adosser un nouveau système d’information. Pour l’heure, ce système d’information accessible directement depuis la salle est uniquement disponible en langue anglaise et allemande. Utilisable sur les mêmes écrans que ceux utilisés par les surtitrages d’opera, ce système d’information est accessible avant les spectacles et pendant leurs entractes et permet aux spectateurs d’avoir accès à un synopsis de l’ouvrage lyrique représenté et au détail de la distribution. Il est également possible de souscrire à la newsletter de l’opera directement depuis l’écran de surtitrage. Le système d’information est peut-être un pas supplémentaire vers la dématérialisation des supports de communication in situ de l’Opera de Vienne. En effet au Wiener StaatsOper, les affiches papier ont déjà été remplacées en partie par des panneaux d’affichage électronique. L’Opera de Vienne a également lancé une application pour mobile et tablette qui offre aux utilisateurs d’acheter le programme d’une représentation sous format électronique.
Enfin, un système de réservation de boissons et snacks consommés pendant les entractes sera très prochainement mis en place. Le « click and collect » est de plus en plus fréquent chez les enseignes et ce mode de consommation se généralise dans les stades et les salles de concert de musique actuelles. Pourtant, en matière de salles de concert de musique classique et/ou lyrique, cela serait à ma connaissance une première ! Ces deux nouveaux services contribuent indéniablement à améliorer l’expérience utilisateur.
Le coût total de la nouvelle expérience de surtitrage d’opera et du nouveau système d’information avoisine les 2 millions d’euros. Les entreprises Lemon42 et Marconi ont mené le projet sous la houlette du directeur du digital Christopher WIDAEUR (voir ici sa dernière interview opera-digital.com). 2 021 nouveaux écrans ont été installés sur les sièges et ou les barrières délimintant les fameuses places debout du Wiener StaatsOper. Bravo !
“Wiener StaatsOper : surtitrage d’opera et service en salle depuis son siège…!” de Ramzi SAIDANI est sous les termes & conditions de la licence Creative Commons Attribution !3.0 France.
En apprenant la mort du grand ténor sud-Africain Johan BOTHA, auquel je souhaite rendre hommage dans ce post, je me suis fait la réflexion suivante : Johan Botha, encore un immense artiste qui vient rejoindre le panthéon des serviteurs de l’art Lyrique et dont je n’aurais pas eu la chance d’écouter la voix dans une salle de concert!!
La représentation d’Aïda que je comptais voir au Staatsoper de Vienne, fin septembre ne le verra malheureusement pas chanter Radames où il excellait.
Soit dit en passant, une version anglais de cet article est disponible ici !
D’autres mélomanes ou spectateurs surtout dans les musiques actuelles ont sûrement déjà éprouvé ce sentiment. C’est d’ailleurs sûrement ce qui pousse certains businessmen à proposer depuis quelques années, à ces spectateurs déçus, une expérience donnant l’illusion que l’artiste regretté revient d’entres les morts : l’hologramme ! Les concerts où des hologrammes de vedettes défuntes sont en effet de plus en plus fréquents ces derniers temps.
Provenant des racines grecques « holos » (qui signifie en entier) et « graphein » (qui signifie écrire), l’hologramme est selon Wikipedia et Larousse, un procédé de photographie en relief. Pour faire simple, un hologramme représente une image en trois dimensions qui apparaît comme « suspendue dans l’espace ». Dans l’article Wikipedia, on apprend également que d’autres techniques sont souvent qualifiée à tort d’holograhiques, si cela vous intéresse d’approfondir ; c’est ici.
Vous me direz que la réalité virtuelle très en vogue en ce moment peut également offrir une expérience permettant de faire réapparaître un artiste mort. Mais la Virtual Reality suppose que l’on soit équipé d’un casque pour ressentir et percevoir. Et ce casque, mine de rien, isole l’individu du reste de son environnement. L’hologramme, puisqu’il paraît au spectateur sans le truchement d’un équipement qui le coupe du reste du public, semble bien plus propice à l’émergence de la magie et du partage en communauté de la prestation d’un artiste défunt.
Hologramme et musique actuelle (rap,hip-hop, reggae, pop…), tous ces styles de musiques actuelles ont connu des représentations de certaines de leurs plus grands artistes sous forme d’hologramme. Le groupe Gorillaz avait exploré et continue d’utiliser les hologrammes dans des concerts mais c’était sous la forme de personnages inspirés de mangas japonais.
Avril 2012 marque à ce titre un tournant dans l’utilisation de la technologie des hologrammes dans le monde du spectacle vivant. Pendant le festival de musiques actuelles Coachella, les spectateurs ont pu voir un duo entre l’artiste de hip-hop Snoop Dogg et une reproduction holographique (créée par le studio AV Concept) du célèbre rappeur Tupac. C’était la première fois qu’un artiste défunt se retrouvait sur une scène de spectacle vivant! A découvrir si le rap vous en dit :
Plus récemment, c’est le roi Le Roi de la Pop, Mickael Jackson qui a eu droit à une résurrection holographique. Dans cette prestation technologique, on retrouve tout : ses fameux pas de danse, ses mimiques, mais pas ses lunettes noires !
Le reggae n’est pas en reste, pour l’anecdote, un collectif (de joyeux plaisantins) s’est constitué pour que les Parisiens puissent voir l’hologramme du Roi du Reggae fouler à nouveau une scène parisienne. Si vous voulez signer la pétition 🙂 !
Le King Elvis Presley, lui-même, a eu droit également de revenir du royaume des morts en duo avec Céline Dion dans un tout de même émouvant « If I can dream » utilisant la technique de l’hologramme à ce qu’on dit. Cela peut faire rire, mais d’aucuns prétendent sur les blogs ou dans les commentaires de réseaux sociaux que cet hologramme serait capable d’attirer plus de foule que moult des actuels musiciens de variétés en activité…Hologramme et musique des artistes défunts…
Et Céline Dion a l’air d’aimer les hologrammes car dans certains de ces shows à Las Vegas, elle utilise la technique pour chanter des duos avec…elle-même ! Tabernacle, pas bête, deux Céline pour le prix d’une ! En tout cas, cela fait le show.
Hologramme et musique actuelle, la nécessité de trouver des relais de croissance en matière de musique, la maturité de la technologie que l’on dit bientôt sur les téléphones portables, la voie semble assez nette sur ce qui nous attend dans les musiques actuelles.
Mais hologramme et musique classique alors ? J’ai beau cherché dans mes souvenirs de passionnés de classique et d’opéra, je ne vois aucune utilisation des hologrammes dans un contexte classique et encore mois opératique !
A part si l’on fait un détour dans la musique classique arabo-andalouse! En effet, la Grande Diva du monde arabe, Oum Kalsoum a été hologrammisée au Caire il y a quelques années, en 2012. Le résultat est d’ailleurs assez bluffant et j’imagine que l’espace de quelques instants, on peut se laisser prendre au piège. La fin de la vidéo où la « Voix incomparable » (tel est le surnom qu’avait donné Maria Callas à Oum Kalsoum) disparaît en paillettes d’or, vient terminer le rêve.
Hologramme et musique classique arabe, OK. Mais, je n’ai jamais entendu parler du moindre hologramme de Caruso, de Pavarotti à l’oeuvre,d’Arthur Rubinstein, de Glenn Gould, de Karajan ou encore de Toscanini, etc.. tous ces artistes mythiques du monde du classique occidental que peu d’entre nous on eu la chance d’écouter en live. Pourtant à en croire la taille des communautés facebook d’artistes lyriques , les artistes décédés tels que Pavarotti ou la Callas figurent parmi les plus grandes communautés….
Quand on repense à Oum Kalsoum, la grande diva du monde arabe dont Callas elle-même jalousait la voix exceptionnelle, on ne souris pas au tweet provocateur et humoristique de l’Opera de San Francisco qui titrait l’année dernière : » Perf of Lucia di Lammermoor to feature hologram Maria Callas !
Sérieusement, pourquoi n’a-t-on pas encore eu un spectacle qui fait revenir Callas de l’au-dela pour faire frémir des générations entières de mélomanes ?
Un premier pas en tout cas a bel et bien été franchi vers une Callas holographique. Pour la création QM.16, Dominique Gonzalez-Foerster, se met en scène son propre hologramme déguisé en Callas. L’artiste fait dans cette installation une apparition impériale en Callas, vêtue d’une robe couleur rouge sang et fait du play-back sur l’air tragique Suicidio de la fin de la Gioconda (opera de 1876 d’Amilcare Ponchielli)! Vous pouvez voir quelques secondes de cet hologramme mimant Callas dans la video suivante (28ème seconde)
Sophie Cecilia Kalos dit Maria Callas mourrait le 16 septembre 1977 dans son appartement Paris. Sa mort alimenta de nombreux fantasmes. Je gage que l’anniversaire des 40 ans de sa mort en 2017 n’en fasse autant. Un de mes fantasmes avoués serait bien qu’une quelconque maison de disques ou un producteur mélomane ne la fasse revenir du royaume des Morts sous la forme d’un hologramme ! Après Hatsune Miku l’héroïne holographique de The End, le premier opéra virtuel qui a été donné il y a quelques années au Châtelet , j’aimerais bien voir l’hologramme de la Callas arpenter la scène du Théâtre du Châtelet !
En tous cas certains petits plaisantins du web ont d’ores et déjà imaginé quelques aventures avec l’hologramme de la Diva !
De mon côté, j‘aurais bien quelques idées de duos inter-genérationnels ou non entre certains de mes ténors préférés et la Callas (Jonas Kaufmann, feu Johan Botha, Roberto Alagna, Placido Domingo ou feu Jussi Björling). En terme d’expérience, je préférerais mille fois cette hologramme Callas plutôt que d’exprimer ma passion dans l’achat d’accessoires ridicules (à mon sens) exploitant l’image de la diva. Vous me direz ce que vous pensez de cette coque signée Marc Jacobs pour un téléphone d’une certaine marque passée maître en matière d’optimisation fiscale…?
A bon entendeur, salut…
“Hologramme et musique classique : 2017 année Hologramme Callas ?” de Ramzi SAIDANI est sous les conditions de la licence Creative Commons Attribution 3.0 France
Quinze, quindici, fifteen, c’est le chiffre de ce mois de mai 2016 ! 15 : c’est le nombre de maisons d’opéra fondatrices de The Opera Platform. A quelques jours de la dixième édition des Journées européennes de l’opéra, il est bon en effet de se rappeler que The Opera Platform va souffler sa première bougie. Il y a un an, 15 maisons d’opéra européenne décidaient d’unir leur force créatrice et numérique pour proposer une vraie saison européenne d’opéra en ligne, une saison dématérialisée. Grâce à the Opera Platform, il est possible chaque mois de découvrir une nouvelle production de l’un de ces quinze opéras partenaires, le plus souvent en profitant d’une large sélection de matériel additionnel (bonus, articles sur les compositeurs, des interviews, coulisses, etc…). Qui plus est, chaque opéra retransmis est sous-titrés en 6 langues – Europe oblige:) – : Français, Anglais, Allemand, Italien, Espagnol et Polonais. Chaque œuvre retransmis reste disponible gratuitement en streaming VOD pendant 6 mois. Parmi, ces quinze, le monde germanique est bien représenté dans l’alliance avec 3 institutions (Wiener Staatsoper , le Komische Oper de Berlin, le Staastheater de Stuttgart). Côté Europe du Sud, on peut compter sur Teatro Regio di Torino et le Teatro Real Madrid. Chez la Perfide Albion, trois institutions sont présentes : le Royal Opera House, plus connu sous la dénomination de Covent Garden, et le Welsh National Opera. Parmi les institutions des nouveaux pays membres, les fameux pays de l’Est, The Opera Platform compte deux institutions : l’Opera National de Lettonie à Riga et l’Opera National de Varsovie. En plus the Opera Platform compte comme institutions lyriques partenaires, l’Opera Royal de la Monnaie à Bruxelles, l’Opera National des Pays-Bas basé à Amsterdam, l’Opera National de Norvège à Oslo et deux institutions françaises : l’Opéra national de Lyon et le mondialement connu Festival d’Aix-en-Provence. Opera Europa (l’organisation professionnelle pour les compagnies et festivals d’opera en Europe) et la chaîne culturelle franco-allemande Arte sont également partenaires du projet The Opera Platform.
On ne sera pas étonné de voir parmi ces quinze institutions, le Wiener StaatsOper, le Royal Opera House. Ces temples lyriques ont chacun investi le net de l’opera et cherche à compléter ce qui se passe par une experience en ligne pour les amateurs qui ne peuvent pas être présent physiquement. Le ROH est par exemple allé très loin en proposant un acte de la Walkyrie Voir par exemple Rappelons que le célèbre Opera de Vienne entre autre pour ses places debout propose une offre extrêmement complète de livestream de sa saison lyrique. son offre Staatsoperlive permet à n’importe quel amateur d’opéra de suivre près de 50 représentation en live, directement depuis son salon, sans même devoir se déplacer dans les salles de cinéma.
Le Royal Opera House a lui préféré élargir principalement son audience via des transmissions de représentation en live dans les salles de cinéma. Mais le Royal Opera House est toutefois extremement innovant aussi sur le numérique. Il est possible notamment de bénéficier de streaming avec une expérience immersive impressionnante. Le projet Opera Machine du Royal Opera House permettait par exemple une expérience de streaming inédite : il était possible de regarder le troisième acte du troisième opus de la Tétralogie (La Walkyrie) de Wagner en personnalisant à l’extrême le visionnage car plus de 17 points de vue captés par 17 cameras différentes étaient disponibles et actionnables par le spectateur !
Parmi les 15, seules deux institutions françaises sont donc présentes. L’Opera de Lyon et le bienconnu festival d’Aix en Provence. On devine que l’Opera de Paris, sûrement soucieux de jouer cavalier seul avec notamment sa troisième scène, ne cherche pas à mettre en avant le streaming mais la diffusion dans les réseaux de cinéma. On notera toutefois que certaines scènes françaises ne permettent pas de diffuser des operas en entiers mais sont impliqués dans the Opera platform en mettant à disposition des bonus. C’est par exemple le cas de l’Opera de Lille, de la Salle Favart alias Opéra Comique ou encore de l’Opéra National du Rhin qui mettent à disposition des teasers ou des extraits de représentations. C’est déjà çà !
“The Opera platform, un an après ?” de Ramzi SAIDANI est sous les conditions de la licence Creative Commons Attribution 3.0 France
Le logiciel a débordé des ordinateurs pour équiper les téléphones, les télévisions et bien d’autres objets de notre quotidien. Très rapidement, nous nous retrouverons « immergés » dans l’Internet jusqu’à en être parti intégrante puisque nous irons jusqu’à connecter notre propre corps. Je ne pense pas car des tendances sociologiques de fond vont porter ce mouvement. Il a déjà commencé en réalité…
Mon prof de philo disait…
Devant mon appareil photo Android connecté ou ma balance intelligente, je me souviens de mes cours de philo. Mon prof doit bien rigoler s’il voyait que ces grands préceptes n’ont pas complétement déserté mon cerveau de consommateur hyper-connecté. Un des grandes idées qu’il me reste de ces vertes années me taraude depuis un moment : en fin de compte, pour un être vivant, la plupart des artefacts, des objets qui nous entourent et que nous humains nous fabriquons pour améliorer, le plus souvent, notre existence, ne sont rien d’autres que des prolongations spatiales de notre corps, de parties de notre corps pour être précis.
La fourchette ou les baquettes que j’utilise pour me délecter de mes sushis préférés, ne sont rien d’autres qu’une prolongation de ma main. Ça parait simple une fois que c’est dit mais qui en a vraiment conscience… Le téléphone : ce sont mes cordes vocales avec de plus en plus de cerveau dedans (à tout le moins de ma mémoire…). Souvenons que le bon sens populaire en plaisantant sur l’engouement des téléphones portables il y a quelques années le qualifier d’extension de cerveau J
La fenêtre à travers laquelle je regarde ? C’est la prolongation d’une peau un peu spéciale et plus que cela, une peau spécialisée par la nature pour nous abriter l’œil du vent tout en laissant passer la lumière… vous y voyez clair …la cornée bien sûr…Le volet que je fais fermer pour passer une nuit apaisante…une fois que j’aurais terminé cet article, …la paupière. Ma voiture rien d’autre qu’une paire de jambes (on pourrait d’ailleurs rajouter avec la complexification de la voiture toute une série de nouvelles parties du corps pour rendre l’exercice un peu plus ardu).
On peut s’amuser à faire l’exercice sur tout ce qui nous entoure l’exercice est passionnant et permet pour un homme de marketing (i) de voir le monde autrement et (ii) de déceler des relations nouvelles entre les choses (mais c’est là un autre sujet)…
En un mot, en connectant de plus en plus les objets de son quotidien, en réalité, c’est déjà un peu de son corps que l’humain connecte puisque les objets sont par essence et par construction une prolongation du corps humain.
Mais que vient faire le tatoo la-dedans ?
Ajoutons-y un deuxième ingrédient, une deuxième tendance liée plus directement à notre relation au corps : la désacralisation du vivant et du corps. On peut en parler longuement et des chercheurs et sociologues brillants ont écrit des ouvrages passionnants sur le sujet [i]. La banalisation des recherches sur le génome humain, les organismes génétiquement modifiés… Moi je partirai juste d’une petite tâche d’encre qui se répond comme le feu à la poudre : le tatouage, en faisant part d’une réflexion que je me suis faite récemment face à l’une des dernières campagnes de pub Gillette. Elle présentait ce qu’on peut imaginer être un jeune cadre dynamique… tatoué :
Qui aurait pensé que ce gardien des bonnes valeurs américaines allait un jour exhiber des Adonis aux biscotos affublés d’un joli tatouage ?Tout cela parce que la publicité cherche à nous ressembler…elle en dit long sur les évolutions sociologiques à l’œuvre. En creusant on se rend compte qu’aux Etats-Unis 16 % de la population est tatouée[ii]. Si l’on se focalise sur le segment de la population qui a le plus de chance d’être digital tribe ou hyperconnecté (jeunes âgés de 25 à 40 ans) : on passe à 40 %… en Europe, on approche les 20 %.Le tatoo n’est plus un acte réservé aux bad boys, aux yakusas ou aux ressortissants de la communauté gay. Là je pense à la réflexion de ma petite amie, originaire d’une culture où le tatouage est assez mal vu (un peu sur l’autre rive de la MareNostrum), qui découvrant mes jolis dessins, réalise qu’in fine je suis le n-ième représentant de professions intellectuelles qu’elle a rencontrées, qui a succombé à l’appel du tatoo, sans être pour autant ni voyou, ni gay. La pratique s’est complètement démocratisée. Le mouvement concerne tous les CSP et profond. Le corps objet, décoré, connecté…D’aucuns n’hésitent pas à modifier leur corps temporairement pour être plus conforme aux canons esthétiques de leur époque, surperformer plus que ne le permettrait normalement la nature, en assimilant drogues douces, boissons énergisantes pour être toujours au taquet…En chirurgie esthétique, la dernière monde outre-atlantique après les seins en silicon est le Brazilian Butt lift[iii]…ah, vous ne saviez pas ?Et ce n’est pas nouveau, la recherche de la performance et la volonté de dépasser ses limites à l’aide d’artefacts et d’outils a depuis toujours cristallisé les rêves des humains. Un petit coup de mythologie suffit à s’en rappeler : Icare[iv]et sa chute. Ceux qui n’étaient pas Dieux, les hommes, ont cherché, via les outils, allant même jusqu’à les intégrer dans leur corps (ici des ailes fabriquées), à plus de puissance et de liberté…
Minority reports ? ….Des exemples concrets
S’il est un artefact humain par qui le mouvement risque d’accélérer le mouvement vers le corps connecté c’est le vêtement. On l’a évoqué, les vêtements et les chaussures sont des projections dans l’espace de ma propre peau. Ce qui est intéressant là c’est la proximité physique. Comme objet, le vêtement dispose d’un statut un peu spécial, il colle à la peau quelquefois devient carrément une seconde peau. Et bien ça se connecte de plus en plus à ce niveau-là
La firme américaine Under Armour (marque peu connue en Europe car (spécialiste du football américain, encore qu’elle commence à «équiper des équipes de rugby françaises[i]) propose des maillots connectés. Via des capteurs et « bug », une sorte de médaillon incrusté dans le tissu du maillot, le maillot enregistre et peut transmettre au sportif ou à son entraîneur accès à une foule d’information (rythmes cardiaque et respiratoire, température corporelle, etc…). Mettez ca en réseau imaginez…Le président d’Under Armour est beaucoup plus lyrique dans l’utilisation d’un tel maillot quand il déclare “nous pouvons métriquement vous dire ce qui se passe à l’intérieur de quelqu’un qui s’apprête à tirer un penalty devant 60 000 personnes. Vous pouvez voir son pouls lorsqu’il attend le coup de sifflet de l’arbitre. Pour la première fois de l’histoire, vous pouvez voir à l’intérieur de l’athlète. Ça ajoute à la dramaturgie”.
Adidas emprunte la même piste avec ses chaussures connectées Adizero F50 miCoach. Là encore réservée à des sportifs de haut niveau, cette nouvelle technologie développée par la firme aux 3 bandes apporte un objet connecté, plus exactement connectable capable via un capteur high-tech logé dans la semelle qui peut enregistrer pendant 7 heures mouvements et mesures métriques importantes pour améliorer son jeu. Les données collectées peuvent être transmises sans fil sur webphone, tablette ou PC.
Plus proche de nous, le chausson connecté transmet à une application mobile les paramètres vitaux du nouveau-né (rythme cardiaque et taux d’oxygène sanguin). Le chausson déclenche une alerte en cas d’anomalie pouvant ainsi prévenir la mort subite du nourrisson.
Un autre objet un peu particulier par la proximité qu’il entretient avec notre corps est la lunette.
Deux des géants de l’internet planchent dessus. Google a annoncé il y a quelques mois son projet Google Glass. Microsoft s’est vu octroyer récemment un brevet portant sur un dispositif de lunettes similaire. Dans les deux cas ces lunettes offrent de la réalité augmentée (concrètement elles permettront de superposer sur ce que l’utilisateur observe des informations, des données utiles). Ces deux géants peuvent bien réussir à faire décoller l’usage là où, trop en avance et dans un monde encore insuffisamment mature sur le plan technologique, certains acteurs s’y étaient essayés. Il y a 7 ans déjà France Telecom, Essilor et Micro Optical avaient développé conjointement des lunettes reliées à un téléphone portable dans lesquelles on pouvait regarder une vidéo sur un écran virtuel d’une diagonale de 60 cm situé à 2 mètres de ses yeux[vi].
On pourrait aussi présenter des montres et les bracelets connectés à l’instar du Fuelband, le bracelet connecté de Nike enregistre les efforts physiques de son heureux propriétaire pour qu’il améliore ses performances sportives.
Ces objets ont la particularité de pouvoir tout de même être désolidarisés physiquement du corps. Sans plonger dans la SF et les cyborgs, les implants et prothèses constitueront vraisemblablement l’étape suivante. Certains implants ou prothèses (peacemaker, dentiers, appareils auditifs, etc…) sont déjà très répandus sans pour autant être connectés.
L’implant dentaire conçu par d’Auger-Loizeau [vii] comprend un mini-vibrateur et récepteur d’ondes radio pouvant être implantés dans une dent au cours d’une opération de chirurgie dentaire. Ils permettent de transmettre des sons à l’oreille le plus souvent par résonance osseuse. Ces puces haut-parleurs constituent un moyen de communication discret et peu encombrant, et peuvent être couplées avec un micro miniaturisé pour permettre une communication bilatérale.
Les VIP de certains hauts-lieux du divertissement nocturnes (Rotterdam et Barcelone) se font injecter une puce RFID qui permet d’être identifié électroniquement dans leur endroit favori : plus de perte de temps à l’entrée, le paiement de toutes les consommations et services de l’établissement (boissons, toilettes, etc…) est grandement facilité. Quoi de plus agaçant que de se trimballer son portefeuille ou même sa carte de paiement, certains ont passé le pas ou plutôt le bras. Dans certains pays, la puce RFID remplace le tatouage obligatoire pour les animaux domestiques. Aux Etats-Unis, la loi autorise de placer des puces RFID sous la peau des gens atteints de la maladie d’Alzheimer[viii]. Les bracelets électroniques équipent de plus en plus de personnes laissées en liberté surveillée…Des micro-puces sont insérées sous la peau d’enfants de familles aisées dans des pays d’Amérique latine notamment où le rapt d’enfants contre rançon est devenue monnaie courante.
Recherche d’une performance toujours plus grande
Pour l’instant, ce mouvement s’observe dans les domaines médical, sportif et de la sécurité des personnes. Cependant, dans une société de plus en plus compétitive où l’on exige d’être performant toujours plus et toujours plus longtemps (phénomène du BYOD, porosité croissante entre les mondes pro et perso), la recherche de productivité et de la performance sera une très bonne incitation à passer à l’acte pour assurer un avantage comparatif ou à tout le moins éviter un ‘déclassement’. Combien de personnes se sont dit qu’ils ne passeraient jamais au téléphone mobile ou à Facebook et durent s’y ranger après quelques années de résistance, sous peine d’être complétement marginalisées dans une société de plus en plus connectée et digitalisée (force de l’effet de club).
Et après tout, connecter mon corps accroît réellement mon expérience digitale (mobilité et ubiquité) et mon bien-être, me fait gagner du temps ou assure un vrai Le progrès allant, e ne serais
Je ne serai pas le premier qui céderait aux sirènes d’une perte de liberté et de choix au profit d’une expérience optimisée (cf. certains détracteurs de l’écosystème iOS, souvent qualifié de prison dorée). Par ailleurs, il apparait que, de toutes les manières, les objets de mon quotidien (ces extensions de mon corps) sont connectés, le contrôle et le risque de pistage sont donc, quoi qu’il arrive, omniprésents, je ne risque pas d’aggraver la situation en connectant mon corps.
Alors, on le fait ce saut de puce, ma Puce ?
Références :
[i] http://www.effacertatouage.com/info-tatouage/40-millions-americains-tatoues/
[ii] http://next.liberation.fr/sexe/2012/11/19/plongee-dans-les-hauts-seants_861588
[iii] http://fr.wikipedia.org/wiki/Icare
[iv] Voir par exemple l’ouvrage du sociologue David Le Breton, Anthropologie du corps et modernité
[v] http://www.auger-loizeau.com/index.php?id=7
[vi] http://www.rightsidenews.com/201003279260/life-and-science/health-and-education/national-healthcare-will-require-national-rfid-chips.html
[vii] Notamment l’ASM Clermont Auvergne : http://www.asm-rugby.com/historique-asm.html
[viii] http://www.pcworld.fr/materiel/actualites,lunette-ecran-chez-france-telecom,222501,1.htm
Le corps connecté : la voie royale tracée par l’Internet des objets…de Ramzi SAIDANI est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 3.0 France
En ces temps de crise économique, de baisse de compétitivité de notre industrie française, les entreprises sont plus que jamais confrontées à un objectif de survie. choc ou trajectoire…les entreprises doivent pouvoir conserver suffisamment de CA et de marge pour continuer à investir et relever notamment les défis environnementaux qui sont les nôtres.
Chiffre d’affaires = Prix x Quantité vendues
Pour s’assurer un chiffre d’affaires pérenne, les entreprises peuvent soit accroître les prix ou augmenter les volumes de vente. L’augmentation de prix peut se justifier si le produit manufacturé offert présente des fonctionnalités rares voire unique (prime à la marque Apple par exemple). L’autre alternative pour accroitre son CA consiste à augmenter les volumes vendus. Cela peut se faire de deux manières :
(i) en accroissant sa part de marché sur le marché national ou international.
(ii) à part de marché constant, à accroître insidieusement le renouvellement des produits manufacturés. Cette politique alimente une course au gaspillage par le biais de son complice l’obsolescence programmé.
Obsolescence programmée
En un mot l’obsolescence programmée consiste à contrôler la durée de vie d’un produit afin de favoriser son remplacement alors qu’intrinsèquement le produit est ou serait encore en état de marche.….mais c’est, on l’aura compris surtout l’une des réponses in fine logique des industriels pour pérenniser ou développer leur CA. En décidant d’arrêter la fabrications de fibres trop solides, Du Pont de Nemoursa augmenté ses ventes de fibres synthétiques[i] et fait le bonheur de tous les bonnetiers mondiaux. Pourtant nos ressources en matière premières sont devenues limitées, l’emprunte carbone de nos industries devient un enjeu majeure. Certes, les filières de recyclage se développent mais il reste tant à faire. Sans jouer les écolos de base, n’y aurait-t-il pas d’autres voies explorables pour permettre d’atteindre leur objectif de CA ? Et si une des solutions au maintien du CA ou des marges résidait non pas dans une sur-consommation non-soutenable mais dans une de différenciation produit par le service.
La différenciation passera de plus en plus par les services
Encore surtout réservée aux entreprises de services ou à des manufacturiers présents plutôt sur le haut de leur marché respectif, le service prend des formes qui suivent logiquement le cycle de vie (suivi de commande, financement, livraison, service après-vente) du produit et qui sont en réalité assez souvent peu innovantes. Certes des services de coaching personnalisé ou lié au recyclage commencent à voir le jour, mais globalement, aujourd’hui bon nombre d’industriels ne prennent pas conscience de l’enjeu service pour leur produit. Or l’internet des objets va ouvrir à un nombre beaucoup plus large d’industriels la possibilité de rentrer en contact directement mais surtout de façon plus riche et approfondie, avec leur base de consommateurs, ce bien plus que via le truchement des outils digitaux d’aujourd’hui (site web, application mobile, page fan facebook, etc…) qui commencent à leur être familiers.
Proposer des services permet deux stratégies pouvant indirectement décourager les pratiques de surconsommation et de renouvellement trop rapide et non soutenable d’unités de produits manufacturés :
(i) faire baisser le coût du produit manufacturé et opérer un basculement de la marge sur les services (jeu de subventions croisées)
(ii) conserver le prix du produit manufacturé mais proposer des services gratuits qui ont pour vocation à réduire certains des coûts rencontrés par l’industriel lors du cycle de produit (R&D, logistique, churn, communication…) en se réappropriant par exemple une part de la valeur que se réserve un tiers (distributeur, entreprise de logistique ou un assureur par exemple).
Science-fiction ou croyance naïve d’un ralliement industriel à l’économie écologique ?
Des sociétés, grandes et petites, sont déjà bien avancées sur cette voix de l’enrichissement produit par du service original et innovant. Nous présenterons 3 exemples provenant de secteurs manufacturiers très différents (Withings, Philips et Seb) ayant pour seul point commun un produit bel et bien physique à partir duquel le fabriquant propose un service innovant et original qui va dans le sens de l’économie durable.
Withings : la balance qui prend en main
La start-up française Withings propose des balances et des pese-bébés connectés à Internet via wifi et fonctionnant en interaction avec une application, présentée comme un vrai compagnon santé. Ce couple produit/service permet jusqu’à une dizaine d’utilisateurs différents dans le foyer d’être reconnus et de bénéficier automatiquement, une fois l’ouverture de leur compte Withings et les paramétrages effectués, de services personnalisés. Il est alors possible de :
(i) suivre l’évolution de sa courbe de poids personnelle grâce à un relevé automatisé exploitable et disponible à tout moment depuis téléphone et tablette.
(ii) profiter d’un service de coaching qui permet de se fixer des objectifs et de recueillir des conseils pour une meilleure compréhension de son corps.
Grâce à ces synergies produit/service, Withings peut prétendre à une part de la valeur qui était autrefois malaisée d’atteindre sinon interdite à un fabriquant de balance.
(i) nouer des partenariats ou référencer des sites ou d’autres applications (plus de 60 applications compatibles pour tirer le meilleur parti des données poids sont proposés) et en tirer une commission pour apport d’affaires
(ii) par ailleurs en capitalisant sur le compte Withings.com qui centralise les données santés, le manufacturier se constitue une connaissance client extrêmement fine (heure de pesée, progrès réalisé, le nombre de personnes du foyer,etc…) qui constitue primo pour lui-même un formidable vivier de connaissances à mobiliser pour proposer de nouvelles fonctionnalités dans ses futures modèles,
(iii) avec cette proximité et cette connaissance client, les données collectées permettent aussi un ciblage très fin. L’entreprise peut capitaliser sur des aires des recommandations de produits ou services connexes à son propre service (équipementiers sportifs ou industrie agro-alimentaire). On peut même imaginer des interactions avec le secteur de la santé (ex avec le pèse-bebé transmettant des infos en continu au pédiatre lui assurant ainsi un suivi plus efficace, etc…)
Seb c’est mieux….
Le premier fabricant mondial de petit électroménager a investi 21 millions d’euros dans un programme appelé « Open Food System », qualifié d’Investissements d’avenir. On ne saurait être plus explicite. L’objectif de cet investissement n’est pas de découvrir un nouvel méthode de mixage révolutionnaire mais d’offrir, grâce à une plate-forme numérique, un ensemble de services et une assistance culinaire…
Si demain bien cuisiner devenait possible, voire facile, pour tous ! c’est le credo du leader mondial du petit électro-ménager qui veut faciliter la vie du cuisinier amateur que nous aspirons tous à être, et ce bien entendu en mettant en avant ses nouveaux produits.
Le premier des services proposés est un service appelé ‘foodle’. Avec la double casquette de classeur de recettes intelligent et de club de passionnés de cuisine, le foodle est un espace de cuisine personnel permet de classer ses recettes en un clic, par collections ou thématiques, de les partager au sein de sa communauté d’amis, mais aussi de trouver des informations pratiques comme que le temps de cuisson d’un ingrédient…
Tout récemment, en complément de ce site gratuit, SEB a lancé ce qui est à ma connaissance le premier livre de cuisine numérique !! MonFoodle (c’est son petit nom) est un classeur de recettes connecté en Wi-Fi et tactile. Vendu 200 euros, cette tablette n’est pas obligatoire pour utiliser le site web. Mais on sent bien qu’avec un terminal potentiellement connecté à une gamme à venir d’équipements électroménagers connectés via le livre en question (RFID) ou directement à Intenet via une connectivité wifi, on est au début d’un nouvelle relation entre manufacturier et utilisateur final. Un chercheur proche de SEB précise déjà que les utilisateurs pourront, à terme, via la plate-forme de service, dialoguer avec un cuisinier pour faire rectifier un mode de cuisson inadapté ou un mauvais dosage d’ingrédient. « Ce qui implique que les produits blancs devront comprendre leur propre mode de fonctionnement et seront bourrés d’intelligence artificielle »…
Le géant de l’électronique Philips : fiat lux …sed connecta.
L’éclairage donnée par la centenial light
La centenial light[i] illustre l’obsolescence programmée qui a touché le secteur des ampoules électriques. Les ampoules ont étrangement vu leur durée de vie être divisée au moins par trois. La fin programmée des ampoules à incandescence orchestrée par une Commission Européenne (pour le coup lumineuse…) a forcé les entreprises du secteur à innover. On a donc vu se développer les ampoules fluocompactes puis plus récemment les ampoules LED encore plus économiques et surtout dépourvues de mercure toujours utilisés dans les fluo-compactes[ii].
Philips fut l’un des instigateurs de cette obsolescence programmée dans les ampoules dans les années 30 avec sa participation au cartel si bien nommé de Phoebus[iii] . Aujourd’hui, la démarche du groupe néerlandais semble bien différente. Il est devenu un leader mondial des ampoules LED dont la durée de vie (50 000 heures théoriques) est sans commune mesure avec celle d’une lampe à incandescence ou à fluorescence.
Le System Hue : les nouveaux éclairants
Le système Hue s’appuie en effet sur des ampoules LED d’aspect classique (bulbes avec un culot à vis équivalent à une ampoule à incandescence de 50 Watts pour une consommation de 8,5 W). Ces ampoules permettent par combinaison RVB (Rouge – Vert – Bleu) de composer 16 millions de teintes possibles. Mais ce n’est pas là que réside l’intérêt principal de l’offre.
Hue crée un réseau constitué d’ampoules reliées à une passerelle qui, connectée à une box internet et pilotable depuis un téléphone ou une tablette permet de piloter jusqu’à 50 ampoules. Le nombre des fonctions est amené à s’élargir mais il est déjà possible de :
(i) contrôler l’extinction des feux dans la chambre des enfants
(ii) simuler une présence physique à distance en éteignant et allumant des ampoules
(iii) programmer le système d’éclairage tout au long de la journée
(iv) choisir ses ambiances à partir d’album photos consultables
(v) programmer un réveil lumineux….
Hue associe donc à une ampoule, dont la fonction est d’assurer un besoin d’éclairage fondamental, une expérience de confort voire une expérience de divertissement. Et nous n’en sommes qu’au débuts, car via le contrôle de cette passerelle connectée, il sera facile pour Philips de mettre à jour et de proposer de nouveaux usages passant par des applications.
Yes Hue can… : les gains d’une telle stratégie
(i) La durée de vie des ampoules LED est très élevé, en moyenne 30 à 50 fois plus élevés que nos bonnes vieilles ampoules à incandescence et 3 à 9 fois plus élevés que les ampoules fluocompactes. Même si elles sont vendues à un prix plus élevé, elles ne sont pas vendues 50 fois plus chers qu’une ampoule à incandescence ou 6 fois plus chers qu’une fluocompacte[iv], il faut donc idéalement pour un fabricant d’ampoule, compenser la perte de revenue inhérente au changement de technologie. Philips semble avoir justement bien compris l’intérêt du couple produit/service pour ce faire, en proposant cette plateforme de services inédite avec sa dernière gamme d’ampoules.
(ii) Là encore, la possibilité pour le constructeur de collecter directement des informations très utiles pour le cycle de vie du produit afin de l’améliorer ou de le prolonger (durée moyenne d’utilisation, nombre d’ampoules utilisée en spot, pour un usage précis, etc..)
(iii) Assez onéreux (199 US $ le LOT de 3 ampoules avec la centrale) et sélectif (distribution online sur l’appstore et uniquement dans les apple stores bien que les applications mobile et tablette soient aussi disponibles sur Android), la gamme Hue permet à Philips de s’émanciper un peu des distributeurs traditionnels. Ces derniers développant les linéaires en faisant la part belle à leurs marques distributeurs peuvent y voir un possible contre-pouvoir.
(iv) Un boitier et une application présente dans la maison rappellant la marque et permettant à Philips de toucher ou de coacher plus facilement et directement ses consommateurs…
Conclusion :
Le logiciel s’est libéré des ordinateurs personnels pour équiper les téléphones, les télévisions mais ce n’est que le tout début d’un mouvement de fond. Notre environnement Internet se transforme peu à peu en un véritable écosystème informationnel. Dans l’avenir, nous serons totalement « immergés » dans l’Internet jusqu’à en être parti intégrante puisque nous irons jusqu’à connecter notre propre corps (ce sera l’objet d’un prochain billet ).
Connectés, une part croissante d’objets de la maison permet de plus en plus d’accéder à des services directement accessibles « en ligne ». Télévision (of course), machine-à-laver, ampoules, réfrigérateurs, lave-linge, fenêtre…
Depuis quelques années la liste des manufacturiers (électroménagers, hifi, bureautique…) proposant de l’intelligence connectée ne fait que s’agrandir…Tous proposent des systèmes intelligents et communicants comme la gestion de l’énergie ou la programmation à distance. Mais finalement peu se démarquent par des spécificités supplémentaires. Or le succès n’est pas dû au fait que le produit soit connecté mais au service qu’il apporte. Les manufacturiers qui se positionnent aujourd’hui placent des pions fondamentaux. D’un côté, ils pourront s’affirmer comme entreprises citoyennes en renonçant, sinon en donnant l’illusion de ne pas céder aux sirènes de l’obsolescence programmée ; d’un autre ils peuvent tracer l’itinéraire et garder le cap d’un accroissement de valeur basée sur un couple vertueux produit/services.
[i] voir l’article de Libération : http://www.liberation.fr/economie/2012/10/28/la-vie-gachee-des-objets_856572
[ii] Ampoule à incandescence brillant depuis 1901 et toujours en état de marche. Voire l’article wikipedia pour plus de détail l http://fr.wikipedia.org/wiki/Ampoule_centenaire
[iii] Peu le savent aussi je tiens à préciser que ces ampoules sont particulièrement polluantes pour l’environnement justement à cause du mercure qu’elles contiennent. Considérées comme des déchets dangereux , elles doivent faire l’objet d’un circuit de recyclage spécifique.
[iv] Le Cartel Phœbus est un cartel, mis en place dans les années 1920 et 1930, spécialisé dans la lampes à incandescence et connu pour être à l’origine de l’obsolescence programmée. http://fr.wikipedia.org/wiki/Cartel_Ph%C5%93bus
[v] http://www.ecologie-blog.fr/energies/ampoules-a-leds-et-fluocompactes-economies-comparees.html
L’Internet des objets : une alternative à l’obsolescence programmée ? de Ramzi SAIDANI est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 3.0 France.