Au détour d’un tweet, j’ai appris la toute nouvelle nomination de Sonia Hossein-Pour au poste de secrétaire générale d’Angers-Nantes Opéra! Sur opera-digital.com, on aime interroger les personnalités du monde lyrique sur leur relation au numérique. C’était là une belle occasion de pouvoir échanger avec Sonia Hossein-Pour, talentueuse représentante de cette génération Z qui commence (enfin dirons les mauvaises langues!) à gagner les institutions lyriques en France.
Sonia Hossein-Pour : L‘opéra, c’est un rêve chevillé au corps. Je crois pouvoir dire que le fil conducteur de ma vie, c’est le chant. Quand j’étais petite, je chantais tout le temps, et ma mère cherchait désespérément comment m’aider à m’épanouir dans cette voie, à canaliser une énergie créatrice très forte. On habitait Paris à l’époque, et juste à côté de chez nous, il y avait une église dans laquelle nous entrions quelque fois, au retour de l’école, et où ma mère a fini par apercevoir une annonce de recrutement de chanteurs pour la Maîtrise. Elle a eu le flair de m’y inscrire, même si au départ je rechignais à y aller. Je pleurais, je hurlais. On en rit encore aujourd’hui… En fait ce n’était pas n’importe quelle maîtrise puisqu’il s’agissait de la Maîtrise Saint-Christophe de Javel où de nombreux chanteurs lyriques parisiens ont fait leurs premiers pas. Mais ça, ma mère ne le savait pas, ce monde du chant choral et de l’opéra ne faisant pas du tout partie de notre culture. Finalement ces quelques années de maîtrise ont été merveilleuses et au fond, c’est là que tout a commencé. Malheureusement de nombreux déménagements m’ont obligée à arrêter mais par la suite j’ai étudié le piano et surtout la guitare – classique, flamenco, shred ou rock instrumental -, tout en fréquentant la chorale du collège et du lycée. Tous les ans je chantais et jouais dans les concerts organisés par l’établissement où je prenais un plaisir fou à être sur scène et à faire le show. Je rêvais de devenir une rock star ! (rires)
Quelques années plus tard, j’ai vécu la fin de ma prépa littéraire au lycée Chaptal comme une libération et j’ai décidé de me mettre au chant pour ainsi dire sérieusement. Je me suis inscrite pour auditionner au conservatoire du 18e arrondissement de Paris, à deux pas de chez moi, et je dois dire que mon audition a été un échec assez mémorable ! Je suis arrivée sans partition, croyant que j’allais pouvoir chanter une mélodie de Fauré a capella et que « ça passerait », et sans savoir qu’il y avait devant moi l’un des plus grands interprètes de la musique française, Michel Piquemal. Le verdict a été terrible, Michel m’a dit : « Vous chantez Fauré comme de la variété ». Il ne pouvait pas avoir tort, à l’époque je passais mon temps libre à chanter des reprises de Radiohead avec ma guitare ! Mais finalement ils ont été touchés et m’ont admise dans l’ensemble vocal du conservatoire. Dès lors, ma seule idée fixe a été de travailler d’arrache-pied pour que Michel Piquemal m’accepte dans sa classe de chant, et c’est ce qui est arrivé.
Michel est alors devenu une sorte de père spirituel pour moi. Il m’a beaucoup appris sur la musique, l’interprétation de la musique, l’engagement du corps et de l’esprit dans l’art. Il m’a beaucoup portée aussi. Un mois seulement après avoir commencé les cours de chant, j’étais déjà soliste dans son chœur amateur, le chœur Vittoria. Alors, encouragée par lui, la question s’est très vite posée de savoir si je devais en faire mon métier. Curieusement, je ne l’avais jamais envisagé ainsi, je ne pensais pas que l’on pouvait faire « chanteuse lyrique ». Et comme j’étais très bonne élève, pour moi il a toujours été évident que j’allais faire des études plus académiques.
Sonia Hossein-Pour : Je pense qu’il y a plusieurs choses. Certainement le contexte familial et une forme de pression qui s’explique par le fait que mes parents ont immigré d’Iran avant la Révolution islamique et ont sacrifié beaucoup de choses pour pouvoir construire et reconstruire une vie en France, pour eux et pour nous. Ensuite mon frère est artiste et j’ai pu aussi entrevoir la difficulté qu’il y avait à vivre de son art et n’ai pas eu le courage de prendre ce risque. Enfin, après mûre réflexion, j’ai aussi compris que cela ne me suffirait pas. Mais le chant c’est ce qui avait donné du sens à ma vie alors que faire ? La réponse devint peu à peu claire, j’allais travailler dans l’opéra, pas sur la scène, mais derrière la scène.
J’ai réalisé cependant qu’il n’y avait pas de voie toute tracée pour travailler dans l’opéra. J’aimais ça mais je n’avais aucun modèle, aucun piston. J’ai donc essayé de m’assurer dans tous les cas de bons diplômes pour être toujours capable de rebondir, tout en continuant le chant en parallèle. Après mes études de lettres qui m’ont donné je crois une solide culture générale, j’ai fait Sciences Po où j’ai acquis un goût du service public, une très bonne connaissance de l’environnement institutionnel et des politiques culturelles. J’ai ensuite enchaîné avec HEC pour me former aux disciplines du management et acquérir une vision de la culture plus orientée business.
Sonia Hossein-Pour : Parmi les plus importantes et décisives, je commencerais par celle en tant que critique pour Forumopera. J’ai toujours aimé écrire et je trouvais intéressante l’idée de formuler son opinion après un spectacle de la façon la plus argumentée qui soit, même si l’on sait que cet exercice demeure éminemment subjectif. Cela m’a permis de sortir de Paris et de voir des productions remarquables dans d’autres maisons d’opéras, de rencontrer de belles personnes, en particulier des artistes dont certains sont devenus des amis. Et cela m’a permis d’enrichir considérablement ma culture sur l’opéra. Au fond, sans avoir jamais fait cela par opportunisme ni même par opportunité, cette expérience m’a ouvert beaucoup de portes.
Plus tard, j’ai rencontré Olivier MANTEI, le directeur de l’Opéra Comique , et l’envie de travailler ensemble s’est immédiatement imposée. C’est comme cela que j’ai eu la chance de travailler à la salle Favart en y dirigeant la communication, le temps d’une saison. Cette expérience réussie a marqué un véritable tournant dans ma vie professionnelle.
Sonia Hossein-Pour : Angers-Nantes Opéra est né de la volonté des villes de Nantes et d’Angers de mener une politique lyrique commune, ce qui a pris la forme juridique de ce que l’on appelle un syndicat mixte, en 2002. À Nantes, pour la saison 18-19, les spectacles se jouent principalement au Théâtre Graslin et à Angers au Grand Théâtre d’Angers. Nous travaillons avec de nombreux partenaires, dont l’orchestre des Pays de la Loire mais aussi l’orchestre de Bretagne puisque la programmation est désormais commune avec l’opéra de Rennes, selon le souhait d’Alain Surrans, le nouveau directeur général. Le maître mot de cette nouvelle saison est l’ouverture : aux lieux, à travers des partenariats avec le Lieu unique ou encore la Soufflerie à Nantes ; aux villes, avec plusieurs tournées régionales et notamment la géniale production de The Beggar’s Opera de Gay et Pepusch mise en scène par Robert Carsen et dirigée par William Christie ; aux publics, avec des concerts participatifs « Ça va mieux en le chantant ! » ouverts aux curieux et aux amateurs de chant. Sans parler des « Voix du monde » où des voix venues d’autres cultures viendront faire écho à la voix lyrique sur la scène d’opéra.
Sonia Hossein-Pour : Je pense que je suis déjà vieille parce que contrairement à la génération Z, j’ai eu mon premier ordinateur, un ordinateur familial, à 14 ans, et mon propre ordinateur portable à 18. Et je me souviens que l’acquisition d’un tel objet était un véritable événement, un peu comme on achèterait sa première voiture… Aujourd’hui cela relève du banal et les enfants naissent avec un smartphone entre les doigts. C’est déjà une autre époque.
Au risque de paraître « has been », ma relation au digital et aux réseaux sociaux a été d’abord une relation de grande méfiance, pour ne pas dire de snobisme. Quand Facebook est arrivé, je devais avoir 18 ou 19 ans, j’en entendais parler par les copains mais cela ne m’intéressait en rien. J’étais dans mes livres, j’avais mes amis, le rythme de la prépa était intense, pourquoi aller perdre son temps ? J’ai fini par franchir le pas parce que j’étais amoureuse d’un garçon qui y était et que pour voir son profil, il fallait que je m’inscrive… ! (rires) Depuis, je n’ai eu de cesse d’avoir un rapport d’intérêt entremêlé de rejet avec les réseaux sociaux. Je m’inscrivais, je supprimais mon compte, je me réinscrivais, etc. Les symptômes d’une forme de résistance en somme. Après cette longue phase, j’ai eu définitivement envie de m’y intéresser pour comprendre un fait de société, un objet de l’époque, pour ne pas m’exclure d’un domaine de connaissance et aussi quelque part en tirer profit, en particulier pour changer l’image de l’opéra.
Sonia Hossein-Pour : Facebook, Twitter, Instagram, Whatsapp, et Citymapper, une appli de transport que j’adore, où l’on rentre une adresse et en fonction de son point de départ, l’algorithme vous trouve l’itinéraire le plus rapide avec différents moyens de transports.
Sonia Hossein-Pour : C’est vrai que le monde de la musique classique et de l’opéra souffre encore dans l’inconscient collectif d’une image poussiéreuse. À juste titre. Ce n’est que très récemment que les maisons d’opéra se sont engagées dans un effort pour changer leur image et il était franchement temps.
Il faut reconnaître que les nouvelles technologies sont un moyen formidable pour toucher le public. Un public nouveau, cela reste encore à prouver, mais en volume, l’effet est incontestable. Le numérique par essence renouvelle l’approche de la médiation culturelle en appelant d’autres formes d’adresse au public, dans le discours bien sûr, mais aussi dans la forme artistique elle-même : on le trouve de plus en plus intégré aux productions de spectacle vivant, là aussi souvent dans un souci d’interaction avec le public. Le numérique interroge et renouvelle donc l’art et le rôle qu’il doit jouer dans la cité, ce qui est extrêmement intéressant d’un point de vue esthétique mais aussi socio-politique. Lorsque l’on pense à des plateformes telles que YouTube, des plateformes de streaming d’opéra comme Opera Vision , qui vous donnent accès à une bibliothèque infinie d’œuvres et vous permettent ainsi de découvrir un nombre incalculable de choses, on réalise ce que le cinéma avait fait en son temps, à savoir qu’elles abolissent aussi les différences de classe. Nous sommes tous égaux derrière nos écrans, il n’y a pas de place en catégorie 1 à 200 euros et une autre de catégorie 7 à 10 euros. Cette idée que la technologie permet d’abolir les frontières et les barrières sociales et nous mette sur un pied d’égalité est extrêmement séduisante.
Toutefois, je ne pense pas que la technologie soit la panacée. C’est un moyen, un medium, mais pour moi ce ne sera jamais une fin en soi. D’abord, je pense qu’il faut prendre garde à ce que la technologie ne prenne le pas sur le sens artistique profond d’un projet. Il y a un côté gadget dont il faut se méfier car vide de sens, mais qui est très tentant lorsque l’on est désespérément en quête d’un nouveau public. Ensuite, ce que l’on veut, ce vers quoi il faut tendre je crois, c’est que les gens viennent vivre l’expérience de l’opéra dans une salle. C’est ça le sésame.
Sonia Hossein-Pour : Si je pense maison d’opéra et numérique, je pense instantanément au MET mais je suis aussi très attentive à ce que fait le Royal Opera House. Ils ont énormément de moyens, donc il ne faut pas faire un complexe d’infériorité, mais ils ont développé leur politique numérique avec je crois beaucoup d’intelligence et de créativité, et également avec une vision business que nous n’avons pas vraiment en France, et qui tient à une différence culturelle car ici la question du service public est prégnante. Le fait simple fait que Covent Garden ait racheté le label Opus Arte en 2007 montre qu’ils ont compris que la maîtrise de la chaîne de valeur leur permettait plus de liberté et de contrôle sur l’objet artistique et l’objet de diffusion, et ça c’est un luxe que peu de maisons peuvent s’offrir.
Une de mes missions à Angers Nantes Opéra sera de concevoir la politique numérique qui est, il faut le dire, quasi inexistante, et je suis heureuse qu’Alain Surrans ait la volonté d’aller dans ce sens. Déjà lorsqu’il dirigeait l‘opéra de Rennes, il était l’un des premiers à mettre en place l’opération d’opéras sur grand écran. Nous allons renouveler l’expérience avec Angers Nantes Opéra à la fin de la saison 2019 avec une retransmission sur grands écrans du Vaisseau fantôme de Wagner, à Nantes, Angers, Rennes, et dans plus d’une centaine de villes. L’idée étant de renouveler cette opération chaque année et d’en faire un rendez-vous incontournable pour nos publics!
« Sonia Hossein-Pour : la nouvelle génération au secrétariat général d’Angers-Nantes Opéra ! » de Sonia Hossein-Pour et Ramzi Saïdani est sous les termes & conditions de la licence Creative Commons Attribution !3.0 France .
J’avais déjà évoqué dans un précédent post sur l’opera Transmedia PeterPan que le numérique peut augmenter l’expérience pendant le spectacle. Mais le numérique peut décliner également le transmedia dans des expériences ayant lieu avant et après un spectacle vivant : preuve en est avec le spectacle La Véritable histoire de Casse-Noisette produit par la compagnie Les Clés de l’écoute et donné en décembre dernier par L’Orchestre Dijon Bourgogne à l’Opéra de Dijon !
Spectacle imaginé par la musicologue et médiatrice Géraldine ALIBERTI qu’opera-digital avait rencontrée il y a quelques années au sujet de son projet autour de Peer Gynt, la Véritable histoire de Casse-Noisette d’après l’oeuvre littéraire de DUMAS et musicale de Tchaïkovski est un spectacle réunissant un comédien, une danseuse et un orchestre symphonique et la projection de diapositives animées appuyant l’intrigue. La véritable histoire de Casse-Noisette raconte le destin extraordinaire d’un jeune homme appelé Nathaniel métamorphosé en un misérable pantin de bois, semblable à un Casse-Noisette, par un roi des souris assoiffé de vengeance ! Mais plutôt que de longs discours, une courte video du spectacle :
Rien d’original me direz vous ? Mais c’est que vous ne savez pas tout ! En effet la Véritable histoire de Casse-Noisette est en effet un spectacle transmedia ! La définition suivante du transmedia donnée par l’encyclopédie illustrée du marketing definitions-marketing.com est, je trouve, très éclairante :
« Le transmédia est la pratique qui consiste à développer un contenu narratif sur plusieurs médias en différenciant le contenu développé et les capacités d’interaction en fonction des spécificités de chaque média ». Pour en connaitreplus, n’hésitez pas à lire la définition complète du terme et les termes qui lui sont proches !
En quoi La Véritable histoire de Casse-Noisette est-il un spectacle transmédia ? Et bien parce qu’il est astucieusement jumulé avec une application disponible sur Apple et Android pour tout public de 6 à 106 ans.
Cette application comprend :
L’application accompagne donc le spectacle vivant et permet aux spectateurs d’accéder à des clés de lecture et d’écoute avant le spectacle qui leur permettront d’entrer au cœur de l’œuvre musicale et littéraire qu’ils vont voir. Les spectateurs, en particulier le jeune public, peuvent également prolonger la magie et l’univers du spectacle à la maison en se plongeant dans les différents jeux musicaux et anecdotes de l’application La Véritable histoire de Casse-Noisette. A la maison, après le spectacle, ils peuvent également revivre l’histoire du spectacle en musique sous la forme d’une narration innovante interactive parsemée de petites énigmes musicales et ce dans la langue de leur choix (français, allemand, anglais et même japonais :).
Le spectateur est ainsi en mesure de s’emparer de l’œuvre et de lui donner vie hors de la salle, mais aussi d’assister le jour de la représentation à tout un univers numérique sur scène qui prend vie. Les deux éléments fonctionnent en symbiose afin que le numérique façonne une toute nouvelle expérience scénique, et que l’œuvre du spectacle nourrisse un univers numérique que le spectateur peut explorer à loisir avant et après le spectacle.
A ma connaissance, pour la première fois en France et en Europe, une institution lyrique, l’Opéra de Dijon, a proposé à son public, une expérience transmedia mêlant spectacle vivant et applications en programmant La Veritable histoire de Casse-Noisette et en mettant à disposition l’application compagnon du spectacle loué à son éditeur Sonic Solveig !
Le concept de ce duo « Spectacle-Application» a séduit l’Opéra de Dijon ! Ce tandem transmedia associant des applications à un spectacle vivant permet également de penser le spectacle comme un puissant vecteur d’action culturelle grâce à tous les dispositifs de médiation innovants pouvant être déployés en amont et en aval du spectacle lui-même.
Une série d’ateliers de médiation culturelle a ainsi été menée avec des tablettes équipées de l’application La Véritable histoire de Casse-Noisette. Les 15 & 16 décembre 2017, des agents d’accueil de l’Opéra de Dijon, munis de tablette, ont présenté l’appli aux publics avant le début de la représentation à laquelle ils allaient assister !
Par ailleurs, cette application a été offerte aux spectateurs du spectacle « La véritable histoire de Casse-Noisette » du 13 au 16 décembre aux publics de l’opéra de Dijon. Selon Sonic Solveig, l’éditeur de l’application La véritable histoire de casse-Noisette, c’est plus de 1800 téléchargements de l’application qui ont été observés pendant ces trois jours sur le google play et l’appstore. Bien entendu tous ces téléchargements ne concernait pas Dijon et ses environs mais une bonne partie de chiffre est attribuable au tandem spectacle-application.
Enfin des extraits de l’application ont également été mis à disposition des publics sur le site de l’opera de Limoges et le sont toujours attirant les spectateurs ou les curieux qui ne disposent pas de tablette ou qui ont raté la période pendant laquelle l’opéra offrait l’application à ses publics.
On ne peut qu’applaudir cette initiative d’apporter au public le meilleur des deux mondes physiques et numérique ! Cette démarche a également été observée à l’Opéra Orchestre National de Montpellier avec la programmation de Peer Gynt tout récemment en janvier 2018 ! Mais ça c’est peut-être une autre histoire à vous raconter !
« La véritable histoire de Casse-Noisette : Opéra de Dijon pionnier du transmédia » de Ramzi Saïdani est sous les termes & conditions de la licence Creative Commons Attribution !3.0 France .
Dans le cadre du festival biennal d’art numérique Movimenta, qui s’est tenu à Nice du 27 octobre au 26 novembre 2017, j’ai eu l’opportunité de rencontrer un duo d’artistes très singulier : la comédienne et metteure en scène Magali Thomas et le chef d’orchestre et compositeur Sergio Monterisi qui ont crée l’opéra transmédia Peter Pan ! J’en ai profite pour les interviewer!
Magali Thomas : Je suis comédienne de formation. Je me suis formée au Cours Florent et au conservatoire.J’ai travaillé de longues année avec la compagnie du Théâtre du Soleil, avec Ariane Mnouchkine. Puis, j’ai monté ma propre compagnie à Paris. Très rapidement, j’ai aussi envie de faire du chant. J’ai pris des cours de chant puis j’ai intégré le conservatorire de Cannes ou j’ai obtenu un premier prix en chant lyrique. Je suis également metteure en scène. J’ai mis en scène notamment l’Ecureuil dégourdi de Nino Rota à l’Opéra de Nice.
Sergio Monterisi : je suis italien originaire des Pouilles, de Bari exactement. Je suis chef d’orchestre. J’ai étudié la direction d’orchestre Nicola Scardicchio qui m’a fait découvrir la musique du grand compositeur italien Nino Rota. Je dirige dans plusieurs pays d’Europe et des Amériques en Espagne, France, Russie, Italie, Argentine, Brésil. J’enseigne aussi la direction d’Orchestre en Italie au Conservatoire de Campobasso. Je suis également compositeur notamment d’opéras pour enfants comme le Géant Egoïste qui a été donné pendant deux saisons à l’opéra de Nice. Je travaille en étroite collaboration avec Magali sur deux nouveaux opéras, « Fantasmi all’opera » et « La vie devant soi ».
Sergio Monterisi : J’avais commencé à composer cet opéra depuis quelque temps, en adaptant les textes dans un livret italien. Avec Magali, en regardant ce que j’avais écrit, l’idée est venue de proposer cet opéra à Cannes où Magali avait déjà réalisé des opéras pour enfants. Et on s’est surtout posé la question de base : faire un opéra où il n’y a pas de maison d’opéra. On s’est aussi dit que les nouvelles technologies pouvaient aider également à créer un opéra hors les murs. Justement à Cannes, il n’y a pas d’opéra, il y a un auditorium mais pas de maison d’opéra: on avait l’opportunité d’amener l’opéra ailleurs pour attirer un autre public.L’idée c’était de fédérer les acteurs de la région, de la ville de Cannes qui pouvaient contribuer à la réalisation d’un opéra. Pour ce faire, une possibilité, c’était de s’adresser à un nouveau public qui sera plus facilement attiré par les nouvelles technologies. Le personnage de Peter Pan est parfait pour représenter le lien entre réel et virtuel qui caractérise notre époque moderne. Il est un personnage totalement transmédia et interactif en soi. Il est le lien entre le monde du rêve, du virtuel et le monde de la réalité ! Si ce chef d’oeuvre de James-Matthew Barrie est aussi apprécié, c’est qu’il nous invite à un voyage extraordinaire dans le monde dl’imaginaire
Magali Thomas: En un an et demi, on a réussi à passer de l’idée à la scène pour cet opéra transmédia ! Avec beaucoup d’énergie ! Et ce qui était important, c’était que c’est un opéra jeune public. On avait dans la salle des bébés de 3 mois qui n’ont pas pleuré, jusqu’à des grands-pères de 90 ans. Les maisons d’opéras souvent proposent des opéras jeunes publics. Là on a voulu faire un opéra jeune public avec des jeunes protagonistes. Le chœur des enfants perdus a par exemple était constitué de jeunes issus de zones d’éducation prioritaire qu’on a formés pendant 6 mois. On avait le projet de créer la nouvelle génération des publics d’opéra. C’était des gamins qui avaient jamais pris une partition en main ! On en est très fier ! Les représentations au Palais des Festivals et des Congrès de Cannes fin février se sont très bien passées !
Magali Thomas : Pour contribuer à cet objectif d’ouverture grâce aux les nouvelles technologies, on a surtout au début pensé aux décors. L’opera a toujours été le spectacle le plus complet, et le plus innovant aussi : musique, acteurs, décors, machinerie, costumes autant d’éléments qui suscitent la curiosité et fascinent le public. Avec les décors virtuels et les animations 3D réalisées par Machina Films, on crée des effets impressionnants qui accompagnent l’action et l’histoire.
C’était important de trouver le juste équilibre entre les décors virtuels projetés et l’action scénique des chanteurs, il fallait éviter que la puissance des images prenne le pas sur le plateau.
Je pense qu’on a réussi à le trouver et l’effet est surprenant. Par exemple sur la musique du vol qui dure 3 minutes, on traverse l’espace comme dans un film de science-fiction et on a des astéroïdes qui nous arrivent dans la tête, on a l’impression d’y être et on peut faire de la 3D sans les lunettes ! Le fait que les décors soient dématérialisés rend possible les représentations dans tout type de salle modulable, ce qui permet de porter l’opéra dans des lieux qui n’en proposent pas !
Magali Thomas : Petit à petit, on a ajouté des élements s’appuyant sur les nouvelles technologies qui permettent d’amplifier les émotions, de diffuser un petit peu la magie de la scène dans la salle. Pour cela on a développé une application compagnon pour smartphone à utiliser pendant le spectacle. On a travaillé avec les étudiants du Master Maje en Management de Jeux Vidéo de Cannes (dirigé par le professeur Thierry Pitarque) et une start-up d’Aix-en-Provence, Light4events : ensemble ils sont rentrés dans le jeu et nous ont fait plein de propositions. L’application envoie alors sur le téléphone des effets sonores et lumineux pour marquer des moments importants de la représentation. Light4events a par exemple introduit l’idée diffuser de la fumée dans la salle pour augmenter l’effet des lumières émises par le téléphone et davantage immerger les spectateurs dans l’atmosphère des animations. A un autre moment du spectacle, le chant des oiseaux sort du téléphone, pour marquer l’arrivée de nos personnages sur l’île.
Sergio Monterisi :On a utilisé également certaines d’interactions venu du monde du jeu vidéo. L’application compagnon de l’opéra transmédia Peter Pan permet au public, en deux moment précis du spectacle, d‘interagir en ramassant le maximum de poussières tout en évitant les astéroïdes.
Autres exemples d’utilisation des nouvelles technologies : sur scène, les chanteurs sont munis de bracelets Led connectés qui ont été fournis par la société LucieLabs. Ces bracelets, gérés par la régie, réagissent aux décors virtuels animés en faisant échos à leurs couleurs.
On peut aussi mentionner que certains costumes comme celui de Peter Pan sont conçus avec des tissus contenant de la fibre optique. En s’allumant, le costume contribue à donner au personnage de Peter Pan un côté magique!
Sergio Monterisi : Pour casser cette fracture qu’il y a entre le public et les artistes, le spectateur via l’application téléchargée sur téléphone devient partie intégrante de la représentation ! Une des pistes dans le développement du spectacle sera de projeter le même décor aussi sur les côtés pour immerger complètement les spectateurs.
Magali Thomas : On aimerait aussi pouvoir utiliser l’hologramme pour faire s’envoler Peter Pan dans les airs, ca serait magique !
Opera-digital.com : Magali et Sergio merci infiniment ! Je rappelle aux lecteurs le site web du spectacle : operapeterpan.com. Ils peuvent aussi voir des extraits de l’opéra transmédia Peter Pan dans le teaser du spectacle…
…et dans l’émission de France 3 qui vous a été consacrée !
Peter Pan, premier opéra transmédia, ses créateurs en parlent! par Magali Thomas, Sergio Monterisi et Ramzi Saïdani est sous les termes & conditions de la licence Creative Commons Attribution !3.0 France . Propos recueillis lors du festival biennal Movimenta 2017 à Nice
En revenant de la soirée d’inauguration du festival du numérique Futur en Seine qui a eu lieu à la Gaîté Lyrique (ancien temple de l’opérette d’Offenbach), l’idée me vint de regarder à nouveau si les opéras d’Ile-de-France dominaient toujours en terme de réseaux sociaux.
Dans un précédent article, j’avais déjà constaté que la prégnance de la région Ile-de-France (IDF) était forte en matière culturelle et en particulier d’Opera.
Avant de passer aux chiffres, un petit rappel s’impose : La région d’Ile-de-France compte quant à elle, six opéras :
– dans le Paris intra-Muros : l’Opera de Paris, l’Opera Comique, le Theâtre du Châtelet, le Theâtre des champs Elysées sont les principaux opéras.
– la banlieue quant à elle abrite l’Opera Royal de Versailles et Opera de Massy !
Force est de constater que 8 mois après ce premier article, la situation n’a guère changé. les operas en ile-de-france dominent!
La part de l’Ile-de-France est passé de 62,7 % du total (au 25 octobre 2015) à désormais 64 % du total de fans facebook d’opera en France (hors festival d’opera) !
Comme l’illustre l’infographie suivante, au sein de ces opéras, sans surprise la Grande Boutique, comme la surnommait Giuseppe Verdi (l’Opéra National de Paris) surpasse tout le monde avec une fanbase facebook flirtant maintenant avec les 142000 personnes. Le vrai changement concerne la deuxième place. C’est désormais le Theâtre des Champs-Elysées qui est numéro deux (si l’on met de côté Versailles, dont le compte facebook comprend l’opéra Royal mais aussi les spectacles notamment les sons et lumières). Le Théâtre du Châtelet est troisième alors que l’Opéra Comique dont la communauté se développe à un rythme soutenu fait désormais mieux que l’Opéra de Massy ! Heureusement, en Province, l’Opéra de Lyon et le Capitole de Toulouse viennent rompre l’hégémonie parisienne ! Ca sera l’objet d’un prochain post 🙂
“Les operas en Ile-de-France dominent toujours les fanbases Facebook” de Ramzi SAIDANI est sous les conditions de la licence Creative Commons Attribution 3.0 France
opera et terrorisme…Faut-il céder à la terreur ? Suite à l’horreur, nombre de théâtres en France ont logiquement contacté leurs spectateurs (abonnés ou non) pour les avertir que les représentations continueraient à la suite des attentats de Paris. Les communications de ces institutions culturelles mettaient en avant également la présence de contrôle accru. L’Opera de Lille, l’Opera de Paris ou encore la Philharmonie de Paris que je fréquente régulièrement n’ont pas hésité à communiquer auprès du public des mesures de sécurité allant jusqu’à l’interdiction de laisser des sacs de voyage ou des valises aux vestiaires.
Ces précautions prises par les théâtres d’opera comme par toutes les institutions culturelles sont la première réponse aux terroristes de Daech. En effet, ces monstres visaient clairement la culture, la musique et la jeunesse.
Opera et terrorisme : la réaction est également très vite et fortement venue des artistes eux-mêmes. Le nombre d’artistes lyriques qui ont bleu-blanc-rougisé leur photo de profil est impressionnant. A l’heure où j’écris ce post, quelques jours après les atroces événements, j’ai relevé des dizaines de photos bleu blanc rouge sur le réseau social le plus utilisé de la planète.
Au premier rang, nombre de grandes figures lyriques françaises portent encore le filtre bleu blanc rouge sur leur page personnel ou leur fanpage officielle: impossible de citer tout le monde, cela n’aurait de toute manière aucun intérêt. De la soprano Patricia Petibon, aux mezzo-sopranos Karine Deshayes, Marie-Ange Todorovitch en passant par le contre-tenor franco-marocain Rachid Ben Abdeslam, la chef d’orchestre Emmanuelle Haïm; les artistes sont légions. Nos amis américains, on le sait, ont vivement réagi. Entre autre, on peut mentionner le grand baryton Thomas Hampson et la mezzo-soprano Joyce di Donato. On peut mentionner entre autres, la soprano lettone Kristine Opolais, Le tenor péruvian Juan Diego Florez.
Après les premières mesures d’urgence, les maisons d’opéra ont rejoint également le combat. Partout en France les hommages se sont multipliés dans les maisons d’operas , comme ci-dessous à l’opéra d’Avignon.
ou encore lors de la générale de la Bayadère à Bastille où le directeur de l’Opera de Paris, Stéphane Lissner, a fait un émouvant discours.
A l’étranger, l’iconique Opera de Sydney drapé du drapeau tricolore fut un autre symbole fort de l’implication du monde lyrique et des peuples contre la barbarie de ces terroristes.
La Marseillaise s’est élevée sur la scène du temple de l’art Lyrique mondial qu’est le Metropolitan Opera de New York. Les musiciens et choristes dirigés par l’immense Placido Domingo, avant la représentation de Tosca, ont rendu également un hommage vibrant aux victimes de Paris et à la paix. Même le public new-yorkais participa à cet hommage aux victimes. La direction du Metropolitan Opera avait placé au sein du programme de la soirée une feuille où notre hymne national français étaient indiquées.
Opera et terrorisme…mais le plus bel hommage aux victimes, ne serait-il pas de continuer à vivre, rire et chanter, à peupler ces théâtres, ces salles de concerts, ces opéras que le monde entier nous envie ? Ne pas céder, continuer à aller dans les salles obscures fussent-elles cinématographiques, orchestrales et bien sûr lyriques pour lutter contre ces obscurantistes. Je répondrai présent comme prévu à la Damnation de Faust à l’Opera de Paris ou La nouvelle production d’Il Trovatore de Verdi à l’Opéra de Lille. Ne laissons pas ces obscurantistes s’attaquer à notre culture occidentale et ce genre si singulièrement européen qu’est l’Opera.
“Opera et terrorisme : la réponse du monde lyrique” de Ramzi SAIDANI est sous les conditions de la licence Creative Commons Attribution 3.0 France